samedi 16 octobre 2010

Remontez à la surface ! v2




Le monde s’est arrêté pour regarder les mineurs chiliens remonter à la surface après 69 jours passés à 622 mètres sous terre. Près d’un millier de journalistes ont suivi avec passion cet incident et ses rebondissements, pour finalement relayer son aboutissement heureux.

Il va sans dire que ce sauvetage constitue un exploit technique et humanitaire qui restera sans doute marquée à jamais comme une légende. La Michna ne nous enseigne-t-elle pas que « celui qui sauve une vie sauve l’humanité » ?
C’est peut-être pour cela que tant d’individus se sont fascinés pour cette histoire…

Pour autant, comment ceci va-t-il changer notre vie ? Cet évènement majeur duquel nous venons d’être les témoins saura-t-il nous interpeller dans notre vie spirituelle ? Le Baal Chem Tov nous enseigne que chaque phénomène qu’il nous est permis de voir ou de vivre doit faire l’objet d’une réflexion sur soi.

Quel est le secret des mineurs ?

Le mineur n’est autre que l’archétype de l’humanité sur terre.
Imaginez un instant que ces mineurs n’aient pas eu la possibilité de revenir sous le soleil, mais qu’ils aient été condamnés à vivre sous terre pour l’éternité. Ils se seraient organisés avec les capsules envoyées d’en haut et ils auraient créé une société sous terre, avec les moyens de bord.

Ainsi, l’enfant né dans la mine grandit en sachant que chaque jour, une capsule descend à 622 mètres sous terre afin de l’aider à s’alimenter, phénomène qui apparaît avec le temps comme naturel. Il est fort probable qu’à la troisième génération, on ne parle plus de ce qui se passe dans le monde au dessus et l’évocation même de l’existence d’une vie sur terre n’effleure plus quiconque… Le soleil devient pour ces habitants un concept impensable et la vie dans l’obscurité n’est plus gênante, puisque la lumière est inconnue.

Voilà qu’un visiteur « d’en haut » vient à apparaître - car c’est ainsi que la terre prend une nouvelle appellation pour les mineurs, puisqu’à présent, eux se sentent juste au niveau – et leur demande : « Mais d’où provient votre alimentation quotidienne ? » Et les mineurs de répondre en chœur : « Ainsi est faite la nature de la mine, quand nous nous déplaçons vers un endroit précis de notre refuge, en grattant un peu de terre, il y a chaque jour un flacon de nourriture ».

Le ridicule de leur réponse ne l’est que pour nous, hommes « d’en haut ». Toutefois, ceci semble d’une logique implacable à leurs yeux. Les plaisirs possibles dans une mine sont d’une pauvreté incontestable et pourtant, pour eux, il n’y a pas mieux ! L’imagination d’une vie différente n’est pas envisageable. En haut ? Ce n’est même pas un rêve ou une volonté, c’est inexistant…

Et pourtant, il y a seulement quelques années, leurs parents aspiraient encore à sortir de la mine, ils souriaient à l’idée d’une certaine vie en société et à la possibilité de faire pousser du blé dans un champ et des fruits sur un arbre, ils s’illuminaient aux souvenirs des rayons du soleil… Ils savaient qu’ « en haut », ça existait, ils avaient conscience que ce qu’ils avaient en bas ne dépendait que de la bonne volonté des gens d’en haut. Il étaient parfaitement conscients que leurs vies pouvaient être complètement oubliées par ceux d’en haut et que leurs propres existences et subsistances ne dépendaient pas de leur capacité à travailler ni de leurs talents, mais uniquement des hommes d’en haut.

Finalement, l’histoire a connu un dénouement plus heureux et l’exploit inespéré s’est produit : les mineurs ont retrouvé la lumière du jour! En plus des lourdes contingences techniques, trois conditions ont été nécessaires pour réaliser cette prouesse : 1) les mineurs ne devaient pas oublier que la mine n’était pas leur véritable lieu de vie ; 2) il fallait qu’ils aient conscience que leur survie n’était possible qu’en suivant les recommandations des ingénieurs et des équipes de sauvetages se trouvant en haut ; 3) l’équipe de mineurs a dû rester unie, car tout désaccord ou manque de solidarité aurait été susceptible de mettre en péril le succès de ce sauvetage.

Tel un mineur, notre peuple en exil est loin de sa source de lumière ; l’éclat qui illuminait le Temple et son sacerdoce ne sont plus pour nous qu’un lointain souvenir. Notre survie dans ces lieux d’obscurité n’est possible que par la grâce de l’Eternel qui subvient à nos besoins au quotidien. Néanmoins, malgré notre accoutumance à cette situation, nous ne devons pas oublier notre véritable condition, ni banaliser les épreuves que notre peuple endure depuis des générations. Guidés par les enseignements de nos sages et animés par une fraternité sans faille au sein de notre communauté, il nous faut aspirer à retrouver la lumière grâce à chacun de nos actes. Parce que nous avons la certitude qu’un jour viendra et que nous remonterons à la surface, la lumière se fera et la vérité brillera.

Car ce jour est proche !

Cet article est adapté du « Dere’h ‘Haïm – Chaar HaTefila » page 88, dont l’auteur est le Rabbi Dovber Schneuri de Loubavitch 1773-1827.