Un ami journaliste m’a demandé hier si c’était bien moi le
rabbin Loubavitch qui traversait le quartier sensible de la Meinau à pied
chaque samedi, le rabbin cité dans un article du journal « Le Monde » daté de samedi (17/05/2014) ?
J’ai naturellement répondu que n’en connaissant pas
d’autres, il devait certainement s’agir de moi !
Et sans vouloir parler spécialement de moi, j’aimerais
toutefois partager une expérience.
En effet, chaque Chabbat je fais la route à pied depuis mon
domicile, non loin du centre-ville, pour rejoindre ma synagogue de la Meinau.
Cette magnifique synagogue se trouve au bout de la cité. Je
dois donc traverser tout le quartier à pied, c’est normal, encore une fois, c’est
Chabbat.
Est-ce que j’ai peur ? En fait, j’ai toujours eu la
conviction que la peur se voyait sur le visage et qu’il n’y a pas de signe plus
négatif que celui de la peur. En revanche, il est vrai que parfois, je me
demande si je ne vais pas essuyer quelques insultes sur la dernière ligne
droite.
Je dois avouer qu’à ce jour, les choses se passent plutôt bien
grâce à D-ieu, ce ne sont pas les scooters à une roue ou les quads qui sont les
plus menaçants, et j’ai même parfois des regards assez admiratifs pour ceux qui
arrivent à faire des acrobaties sans se retrouver à terre.
Pourquoi je vous raconte cela ? Parce que j’ai la
profonde conviction que nous devons nous refuser de reculer devant la petite ou
grande délinquance, notre rôle n’est pas forcement de faire la morale, en
revanche, nous devons vivre les choses telles que nous voulons les vivre, dans
le respect des autres et des règles de la République. Mais il n’est pas
question de vivre avec la peur au ventre.
D’ailleurs, j’ai croisé il y a quelques semaines un
responsable d’association du quartier qui m’expliquait que pour lui, c’était
important et positif que je passe dans le quartier avec ma tenue de rabbin le
Chabbat. Il avançait que c’était un signe de vivre ensemble et une marque
d’ouverture envers les autres.
Pas plus tard que la semaine dernière, un jeune du quartier
m’a abordé en me demandant si j’étais juif, je n’ai pas hésité dans ma réponse…
c’est vrai je n’avais pas trop le choix ! Puis il m’a demandé un
renseignement concernant un mot en hébreu.
Et franchement, ça m’a fait plaisir de pouvoir échanger avec
une personne et de partager quelques idées. Or, si je ne marchais pas dans
cette rue et si je m’habillais comme n’importe qui, il est évident que ce
dialogue n’aurait pas eu lieu.
C’est ainsi que je conçois le vivre ensemble. C’est-à-dire
que nous devons faire l’effort de nous montrer tels que nous sommes, sans nous
cacher, sans avoir honte ou peur de ce que nous pouvons représenter. Tachons en
même temps de rester ouverts envers les autres, avec un regard bienveillant,
afin de faire en sorte qu’un dialogue s’installe.
Nous n’avons pas les réponses à tous les problèmes, mais si
nous refusons d’être ce que nous sommes au risque d’être agressés, nous n’avons
aucune chance de nous faire accepter pour ce que nous sommes.
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