Cette semaine, la Torah nous met en garde contre la tendance qui nous conduirait à négliger les petites choses. Dans notre Paracha du nom de Ekev, signifiant le talon, Moïse exhorte le peuple juif à faire attention à ces choses que nous repoussons sur notre passage avec nos talons; leurs valeurs étant mineures ou accessoires à nos yeux, nous serions parfois tentés de les écraser.
Rabbi Haïm ibn Attar (1693-1743), auteur de l'illustre commentaire "Or A’haïm", explique que cette mise en garde est destinée essentiellement à ceux qui étudient la Torah et observent assidûment ses commandements. En d’autres termes, elle ne s’adresse pas (en premier lieu) aux personnes dont la pratique religieuse n’est pas régulière et qui, de ce fait, en négligent forcément certains aspects. La Torah interpelle les hommes dont la pratique est quasiment irréprochable, mais qui sont parfois les premiers à mesurer et à soupeser les moindres petits éléments de la loi, pour finalement les dévaloriser, tels de négligeables poussières, au lieu de les considérer comme des matières fines.
Au regard de la logique et de la nature humaine, il est généralement admis que l’importance d’une action dépend de son impact. Suivons ainsi l’érudit qui consacre quotidiennement plusieurs heures à l'étude et s’isole dans un monde intellectuel dont les délices des méandres talmudiques rassasient son esprit. Une fois redescendu de cette sphère et ouvrant les yeux sur un milieu insensible à la grandeur des raisonnements qu'il expérimente, cet homme a tendance à considérer le monde matériel avec mépris. Certes, il avance sur terre avec ses pieds, mais sa tête est encore dans le ciel. Ne regardant pas où il marche, il donne des coups de pieds, néglige les gens qui passent, ne sourit plus au monde environnant et n’est plus attentif aux besoins de son entourage. «Ekev» le talon !
Cette situation englobe deux facettes: le risque existe pour soi-même, mais aussi envers les autres.
Lors d'un séjour dans une ville où il n'y avait que très peu de nourriture Cacher, je suis passé avec un collègue de travail devant un chocolatier pour une « pause énergie ». A ma surprise, il commanda un chocolat contenant du lait non chamour (non surveillé). Je me permis de lui faire remarquer son inattention... mais il rétorqua simplement qu’il ne faisait «pas attention à ces choses»!
Comment cela, « ces choses » ? Parce qu’il est religieux, parce qu’il étudie et connaît la valeur des «choses», par conséquent il estime que mettre ses Tefilines, manger Cacher ou respecter le Chabbath sont des actions importantes, par contre « cette petite chose », le talon peut lui donner un coup sans état d’âme et l’écraser par le poids de la connaissance.
Cette négligence se retrouve aussi parfois de façon latente dans la considération d'autrui. Combien de fois avez-vous entendu de la bouche d’un rabbin ou d’un maître en Torah : « Mais pour lui ce n’est pas grave, de toutes façons, il n’est pas religieux... ». Ces gens admettent que certains éléments sont importants, mais seulement pour eux-mêmes ! Comme si la Torah avait des critères d’exigence variables en fonction des individus et de leur pratique. Derrière cette affirmation se dessine clairement un non-dit, laissant sous-entendre qu'au fond, ce n’est pas capital pour soi non plus! Ce qui revient à façonner une échelle de valeurs dans la Torah...
C’est contre cette erreur que Moïse met en garde le peuple juif dans cette Paracha, car il s'adresse à une génération qui a grandi dans l’étude et la pratique de la Torah (contrairement à la génération précédente qui avait passé sa jeunesse dans les camps de travail égyptiens). Et le risque de valoriser un élément au détriment d’un autre peut surgir spontanément.
Cette semaine, la Torah nous enseigne la valeur de chaque bonne intention, chaque pas ou chaque geste, même s'il semble anecdotique. En réalité, c’est derrière ces poussières que se révèle notre caractère et se cache notre profonde motivation pour faire les grandes choses.
Comme quoi, D.ieu se cache dans les moindres détails !