mardi 8 décembre 2009

La Bible : un récit romanesque ?


La tentation est grande, et beaucoup n’y résiste pas. La Bible nous donne, en effet, tous les éléments croustillants d’un bon récit romanesque, et les rôles sont distribués à la perfection.

Avraham le bon, le gentil à l’âme charitable qui donne à manger aux bédouins. Son fils Yits’hak qui ne choisit pas la voie de son père, de caractère renfermé s’en donnant à la rigueur de ses actes et l’enfermement de ses sentiments pour y trouver un refuge paisible et rassurant. Pour enfin avoir le petit fils Yaakov, le simple, le second de la famille, malaimé de son père qui se voit obliger de ruser pour arriver à ses fins.

La génération psychologie dans laquelle chaque fait et geste sont analysés par une enfance heureuse ou malheureuse, donnant des explications aux outrances des uns et des justifications aux violences des autres, nous ne sommes plus que des robots obéissants aux sentiments et à l’héritage sociologique de la société ; tout en faisant de nous des êtres irresponsables et incapables de se sortir de la spirale dans laquelle nos psychanalyses nous ont enfermés.

Alors l’extrapolation avec nos patriarches coule de source. Et pourquoi ne pas les allonger sur le divan de Freud afin de mieux comprendre la réaction d’Avraham face à la douleur de la circoncision ou celle d’Yits’hak après avoir perdu sa mère alors qu’il était encore célibataire, et puisque nous y sommes, parlons un peu de la rivalité des deux frères Yaakov et Essav et du traumatisme qu’a subi Yaakov et de ses motivations pour ravir le droit d’ainesse à son frère.

Dans la tentative fantasmatique biblico-romanesque certains ont transformé les Patriarches en personnage biblique.

Or le mot « Personnage » provient du mot « Phersu » désignant un masque que portaient les comédiens au théâtre. Jouer un rôle est la véritable signification du terme.

La frontière entre l’étude animée par la recherche de la signification des actions et de la vie de nos patriarches, et celle de l’analyse de leurs caractères par leurs actes, est une frontière dont le basculement s’opère en douceur et en toute bonne conscience.
Mais quand l’un est dans l’élan de l’enseignement et la volonté d’y trouver une signification actuelle pour faire de la Torah un message vivant, l’autre est dans l’analyse et dans l’humanisation – au sens le plus bas du terme – des fondateurs du peuple juif, les faisant jouer un rôle. Perdant au passage toute dimension supérieure et distinguée, digne des patriarches. Oubliant accessoirement que chacun de leurs faits et gestes étaient guidés et ordonnés par D.ieu.

N’est-ce pas là une violence faite à la Torah que de l’interpréter de la sorte ? Il va sans dire que cela est le reflet d’une connaissance très superficielle et factice des livres sacrés.

S’éloigner de cette tendance ravageuse est une obligation pour aborder sainement l’étude de la Torah.