samedi 6 mars 2010

La tour d’ivoire rabbinique


Alors que Moïse était absorbé par les dialogues avec D.ieu au sommet du Mont Sinaï, le peuple, trop impatient et croyant Moïse mort, décide de se désigner un nouveau leader en la matière du veau d’or. C’était une réaction grotesque, sinon la marque d’une grande défaillance en terme de foi et de confiance aux paroles de Moïse, alors qu’à peine quelques semaines avant il les avait faits sortir d’Egypte, traverser la Mer Rouge et assister à la révélation au Mont Sinaï.

La faiblesse intellectuelle, morale et également psychique, de ceux qui ont mené cette action est certaine.

La photo est saisissante, Moïse en haut parle avec D.ieu et reçoit la Thora, le peuple en bas danse avec ce veau d’or et pratique l’idolâtrie.

Quel lien existe-t-il entre les deux ? Quelle forme de responsabilité peut s’installer chez Moïse vis-à-vis du peuple qui n’a pas suivi ses recommandations avant de monter ? Et pensez-vous que Moïse doit porter les conséquences de cette dérive alors qu’il n’était même pas là ?

La réponse est oui ! D.ieu dit à Moïse « vas, descends ! Parce que ton peuple s'est corrompu ». Les choses sont très claires, c’est ton peuple qui s'est corrompu, tu es le responsable de sa conduite, tu es le porteur de ses actions. En d’autres termes, c’est comme dire à Moïse, n’essaye pas de te désolidariser du peuple, de dire « oui mais ceux qui ont fait cela ne sont pas totalement dans la communauté, ils ne sont que des Juifs de Kipour, on ne les voit jamais, nous ne pouvons être tenus pour responsable de ce qui se passe dans la vie de chacun ».

D.ieu lui décrit le lien existant entre un Rabbin et ses fidèles. Mais cette attache ne s’arrête pas là, D.ieu lui dit aussi « descends » ce qui pousse les commentateurs à dire qu’ici il ne s’agit pas uniquement de la question géographique, Moïse étant sur la montagne et pour rejoindre le peuple, il lui fallait la descendre. C’est bien plus grave que cela, il s’agit pour Moïse d’être abaissé, de perdre de sa glorieuse situation, lui aussi va se déprécier.

Mais pourtant il n’était responsable de rien, lui, enfermé dans sa tour d’ivoire en haut du Mont Sinaï, traitant de sujets des plus importants pour la survie de ce monde, comment peut-il être impliqué dans un acte aussi ignoble que le veau d’or ?

Parce qu’il n’y a pas de tour d’ivoire pour un Moïse, il n’y a pas d’isolement ou de retraite possible pour un dirigeant communautaire, il ne peut y avoir de séparation entre lui et le peuple. Quand l’un monte tout le monde monte et quand l’un est déchu, c’est aussi le leader qui prend un coup.

Question de solidarité !

mercredi 3 mars 2010

Esther : un mariage mixte ?

Parce que même après Pourim il m’est impossible de ne pas y penser, alors je partage avec vous cette petite réflexion sur le personnage d’Esther dans l’histoire dont elle est incontestablement l’héroïne.

La question saute aux yeux : comment est-ce possible qu’Esther ait épousé un non-juif ?
Esther, celle qui a sauvé le peuple juif par son intervention auprès du Roi de Perse Assuerus, était bien juive, nièce de Mode’hai le guide spirituel des juifs, et pourtant elle a bien épousé ce monarque.
A croire que les mariages mixtes peuvent rendre des services au peuple juif…

En réalité il faut bien resituer les choses dans leur contexte. Car si Esther agit héroïquement dans cette histoire, sa vie n’était pas moins tragique. Elle, si pure et si bien élevée dans la famille du sage, la célébrité était pour elle un supplice. Elle a participé au grand casting national de la future reine, contre son gré. Elle aurait certainement préféré continuer à vivre dans la discrétion et l’anonymat dans le modeste confort de son oncle, à l’abri des flashes et des obligations mondaines.

Mais le sort en a voulu autrement. Participante par la force des choses à la sélection, elle n’a jamais voulu se mettre en valeur dans l’espoir d’échapper aux volontés tyranniques du roi. Mais malgré elle, le choix du roi – certainement un roi bien plus intelligent et plus honorable que celui à qui vous pensez – fut différent.

Sans avoir le libre arbitre, parce qu’un refus de sa part était passible de peine de mort, elle fut contrainte de demeurer au palais.

Mais même dans la richesse et le confort de sa situation, elle n’a jamais oublié ses racines, son peuple et sa véritable vocation. Alors que certains se seraient refugiés derrière la hauteur de leur fonction pour se protéger en période de crise, avec la tentation de renier sa foi, Esther a vu dans sa position le signe d’une mission qu’elle se devait d’accomplir au péril de ses jours.

Et après avoir accompli son œuvre et le peuple juif sauvé, alors que tout le monde dansait et se réjouissait du retournement de situation, Esther resta cloîtrée entre les murs du château ne pouvant se joindre à la ferveur de son peuple. Isolée et retirée elle resta enchaînée à son mari despote.

Esther n’est pas un modèle de mariage mixte réussi parce qu’il ne peut y avoir de réussite dans une telle union ! En revanche elle est la marque d’un devoir et d’un dévouement pour son peuple et d’une fidélité à toute épreuve. Parce qu’un juif, peu importe dans quelle situation il se trouve, les obligations envers son peuple restent intactes. Esther en est le modèle, incontestablement.