"L"homme libre est celui qui n'a pas peur d'aller jusqu'au bout de sa pensée." Léon Blum
mardi 18 mai 2010
L’imperfection de l’art
Le débat au sujet du don de la Torah est relaté dans le Talmud (Shabbat 88b) : « Fallait-il laisser la Torah dans les cieux pour les anges ou accepter de la donner aux hommes, malgré les risques que cela comporte ? ».
Ce à quoi Moïse dut défendre sa position en arguant que la plupart des lois ne pouvait être destinée aux anges, puisqu’il y est question de respecter ses parents ou de se reposer le Chabbath ; or les anges n’ont ni parents, ni travail qui les oblige à se reposer en fin de semaine...
Mais au fond, les anges n’avaient-il pas raison ? Les hommes, avec leur difformité de l’âme et l’inconstance de leurs actions, sont-ils les meilleurs candidats pour protéger le trésor que constitue la Torah de toute dégradation ? La réponse de Moïse s’incline-t-elle devant l’imperfection de l’homme, au détriment de la précision de l’ange ?
Permettez-moi de répondre à cette interrogation par un récit :
« Un jeune étudiant rendit visite au Rabbi de Loubavitch, Rabbi Menachem Mendel Schneerson. Il lui exprima son désarroi face aux aléas de sa vie qui ne lui causaient que déceptions et difficultés. « Pourquoi les choses ne peuvent-elles être faciles et simples ? » questionna-t-il.
Le Rabbi lui répondit : « Parce que nous sommes des hommes et non des anges, or seuls les anges sont toujours constants et parfaits, tandis que les humains vacillent entre des extrêmes, pris dans l’adversité de la vie et les conflits intérieurs. Ce n’est qu’au prix de grands efforts qu’ils peuvent trouver l’harmonie entre leur corps et leur âme ! »
Puis le jeune homme insista : « Mais pourquoi D.ieu a-t-Il créé l’homme ainsi, n’aurait-Il pas préféré nous voir sages comme des anges ? »
Sa question était pertinente... Et le Rabbi, fin pédagogue, lui demanda en guise d’explication, s’il avait un hobby ; ce à quoi le garçon répondit qu’il aimait la peinture. Le Rabbi l’interrogea : « Qu’es-ce qui est le plus juste, une photographie ou une peinture ? ».
« Une photo évidemment, sa précision est impossible à reproduire à travers une peinture » répondit le jeune homme.
« Et qu’est-ce qui coûte le plus cher ? » demanda le Rabbi.
« Une peinture. Alors qu’une photo ne vaut que quelques dollars, une peinture de la même scène peut valoir parfois des millions de dollars » répliqua le jeune.
Mais le Rabbi insista « Pourquoi donc ? Ce n’est pas juste, une photo est plus précise, elle devrait avoir plus de valeur ! ».
Le garçon expliqua « une photo ne fait que capturer un instant, une scène et la restitue telle quelle, tandis qu’une peinture contient la richesse de l’imagination humaine, la profondeur de ses émotions et l’expression de sa créativité. C’est ce qui lui confère sa valeur. On appelle cela de l’art ! ».
Le Rabbi sourit et conclut : « Voici la réponse à votre question… Les anges sont une photo, ils ne se trompent jamais et ils sont capables de restituer une réalité spirituelle à la perfection. En revanche, les hommes sont sous l’emprise de leurs émotions et du conflit entre la lumière et leur zone d’ombre. Leur quête de vérité et de sens transforme chaque moment de la vie en une œuvre d’art. »
Certes, nous ne sommes pas parfaits, mais tout porte à croire que D.ieu préfère l’imperfection d’une œuvre d’art vivante à la perfection d’une photographie glaciale. Voilà pourquoi Il a choisi de donner la Torah à des artistes.
Tant qu’à faire, essayons d’être un chef-d’œuvre !
Au festival : montez vos marches !
Moteur ! Action ! Le tapis rouge est déroulé. Oui, c’est le festival de Cannes qui est en vedette cette semaine. Il rythme les agendas et certains vibrent à l’idée d’imaginer qui pourrait bien monter les marches ce soir ? Le frémissement des fans, le crépitement des flashs, l’émotion du public, autant de signes qui nous indiquent que l’insignifiant est à l’affiche.
Ce n’est pas tourner en dérision le 7ème art. C’est juste un signal m’annonçant que l’authenticité est dérisoire ! Il n’y a plus de crise, il n’y a plus de misère dans le monde. Nous sommes en plein festival, là !
A vrai dire, cette frénésie pour l’éphémère m’agace. La place que prennent le vide, la fantaisie et l’illusion, c’est trop !
Parce que le cinéma sera toujours du cinéma, nous évoluons là dans le monde de l’irréel. Et pourtant, des milliers d’individus sont capables d’attendre des heures pour apercevoir un acteur monter des marches ! Jusqu’où peut bien aller ce culte de la fiction ?
Lorsqu’un acteur s’aventure à ne pas saluer le public en montant les marches, ce crime est puni par le boycott de ses films. En fait, les seules personnes qui comptent vraiment, ce sont les stars ! Les autres, les spectateurs qui sont là et attendent des heures durant, n’ont aucune espèce d’importance dans ce jeu. L’essentiel est que l’audience soit fidèle et bien présente pour assister aux projections en salle.
Pourtant, ce n’est pas partout pareil… Il existe un certain endroit où chaque individu est considéré et respecté à sa juste valeur, en tant qu’être humain. Et là, personne ne vaut plus que l’autre, même les grandes stars hollywoodiennes. Je parle de notre Paracha de la semaine ! Elle commence par nous raconter le recensement du peuple juif, qui n’avait d’autre objectif que de valoriser chacun.
En effet, compter c’est accepter l’idée que chaque numéro est une unité égale à la seconde unité. Chacun est donc porteur de la même valeur, même Moïse ne comptait pas plus qu’un, de même que le simple ouvrier valait lui aussi la même unité que Moïse.
Il n’y a pas de privilège, pas de tapis rouge pour les dignitaires, pas de flash ni d’applaudissements, même pour les plus talentueux. Et chacun monte les marches ! Oui les 49 jours du compte du Omer, ce sont les 49 marches qui nous permettent de passer du statut d’esclave libéré à celui de peuple élu.
Mais êtes-vous prêt pour cette montée des marches ? Parce qu’au bout de cette ascension, c’est le Mont Sinaï. Et là, quand la lumière se rallumera vous serez toujours au cœur de l’histoire. Parce que dans ce monde, l’éphémère n’existe pas ! Encore 2 jours avant l’ouverture du festival de Chavouot… parce que chaque jour compte !
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