Sur la route qui ramène notre patriarche Yaakov vers la
maison de son père Yits’hak, Yaakov doit régler une querelle familiale :
son frère Essav vient à sa rencontre pour le tuer. La source de cette haine
provient des bénédictions de leur père, desquelles Essav estime avoir été
destitué au profit de Yaakov.
Afin d’amadouer son frère, Yaakov entreprend une démarche
diplomatique en expliquant à Essav qu’il n’a pas de raison de lui tenir rancœur
puisque les bénédictions n’ont pas eu l’effet escompté.
Il va ainsi lui tenir ces propos (avec le décryptage de
Rashi) : J’ai séjourné chez Lavane,
je ne suis devenu ni prince ni notable, j’étais comme un étranger, la
bénédiction de ton père « Sois le
maître de tes frères » ne s’est pas réalisée avec moi, tu n’as donc
aucune raison de me haïr. Rashi poursuit en disant que les lettres du mot Garti – séjourné, ont la valeur
numérique de 613, et Yaakov dit à son frère ; avec Lavane l’impie j’ai
séjourné, mais j’ai gardé les 613 Mitsvot et n’ai pas appris de ses mauvaises
actions.
Analysons un instant l’argumentation de Yaakov. Tout d’abord
il cherche à atténuer la haine de son frère en minimisant l’impact des
bénédictions paternelles et en lui démontrant qu’il n’était pas le riche
notable que le destin lui réservait. Pourquoi donc le jalouser ou chercher son
élimination ?
Par la suite, il lui parle de sa situation spirituelle qui
n’a pas subi les influences néfastes de son oncle. Mais comment cet élément
peut-il interpeler son frère ?
Essav ne revendique pas le monopole du mal, et la religion
l’indiffère totalement. Ce qu’il recherche, c’est plutôt la gloire, la richesse
et le statut social… En quoi
proclamer l’intégrité de Yaakov peut-il être un argument susceptible d’apaiser
l’animosité de son frère ?
En réalité, Yaakov - qui était rentré à l’époque dans le top
5 des plus grandes fortunes mondiales - nous enseigne une leçon qui concerne
chacun, et à chaque époque. Comment vivre dans un monde où les questions de
possession, de richesse, et d’apparence semblent prépondérantes, tout en
gardant une vie équilibrée en accord avec les principes religieux
authentiques ? Comment peut-on être un juif pratiquant et en même temps
gérer une multinationale avec plusieurs milliers de salariés ?
Et Yaakov d’énoncer : avec Lavane j’étais un étranger
(Guer), même si j’ai séjourné chez lui où j’ai acquis fortune et célébrité, ces
choses-là sont restées pour moi étrangères. Je n’ai jamais considéré cela comme
l’essentiel de ma vie, ni comme le but intrinsèque de mon existence, car mon
investissement le plus profond était consacré à la pratique des 613 Mitsvot. Et
c’est précisément le fait de traiter les affaires matérielles avec détachement
qui m’a permis de rester attacher aux Mitsvot.
Yaakov a ainsi relevé le challenge de concilier réussite
professionnelle et épanouissement spirituel. En accordant la priorité à sa vie
spirituelle, il a résolument choisi de considérer sa prospérité matérielle comme
secondaire, tel un étranger qui ne s’installe jamais confortablement dans sa
maison, mais qui a conscience de la précarité de sa situation et sait qu’il
n’appartient pas à l’endroit où il se trouve. Ainsi, il peut démontrer à son
frère que « non seulement je ne suis pas devenu le notable auxquelles les
bénédictions me destinaient, mais il me sera impossible de le devenir puisque
mon ambition et mon centre d’intérêt sont très loin de cela ! ».
Davantage encore qu’une leçon de management, Yaakov nous
prodigue une véritable leçon de vie…