C’est l’histoire
d’un homme qui rentre chez son banquier pour récupérer 10.000€ en espèces. Le
banquier lui remet la liasse de billets et l’homme se met à les compter, 1, 2,
3 etc. puis il retourne la liasse de l’autre côté et compte de nouveau. La
scène se reproduit une troisième fois tandis que les clients derrière
s’impatientent.
Le banquier demande
au client : Monsieur, le compte n’est pas juste ?
- - Si cher Monsieur, le compte est juste, mais vraiment juste, juste !
Le Talmud (Souccah
53a) raconte que lors des fêtes de Souccot, les soirées faisaient l’objet d’une
grande organisation et des milliers de personnes dansaient et chantaient.
On y rapporte les
chants que certains entonnaient : « Heureux l’homme dont la jeunesse
ne fait pas honte à ses vieux jours », il s’agit du Tsadik (le juste) qui
a eu la chance de l’être depuis son plus jeune âge.
Puis, d’autres
chantaient : « Heureux l’homme dont les vieux jours pardonnent les
plus jeunes », il s’agit de celui qui a fait Techouva (retour vers la
Torah) et dont la jeunesse n’est pas au niveau de son état actuel.
La Talmud poursuit
en expliquant que les uns comme les autres disaient : « Heureux
l’homme qui n’a pas fauté, et celui qui a fauté qu’il fasse acte de retour et
il lui sera pardonné. »
Cette dernière
partie soulève toutefois un questionnement : pourquoi le Tsadik avait-il
besoin de s’exalter sur celui qui faute ? et pourquoi celui qui fait
Techouva citait-il l’homme qui ne faute pas ? Pourquoi y avait-il ce mélange
de genres ?
En fait, il faut
nous plonger dans l’esprit de l’un et de l’autre afin de répondre à cette
interrogation.
Le Tsadik n’est pas
un juste cherchant à ne faire que ce qu’il convient comme il se doit, c’est un
perfectionniste, en quête perpétuelle d’une perfection qu’il ne peut, par
définition, pas atteindre.
A l’instar de
l’adage populaire qui dit « humilité fichue vertu, tu dis que tu l’as, tu
ne l’as plus », l’on pourrait de même s’exprimer au sujet de la perfection,
« tu dis que tu l’as, tu ne l’as plus » !
L’homme parfait
cherche donc dans les moindres recoins de sa personnalité les points à
améliorer ou à raffiner ; chez lui cesser de se considérer comme un être à
parfaire marque la fin de sa progression. Le Tsadik se trouve ainsi dans une
constante amélioration, ce qui nous incite donc à affirmer qu’il est
continuellement dans un état de Techouva.
Comment peut-il
s’épargner la partie de la citation évoquant l’homme qui retourne vers D.ieu
alors qu’il s’agit de son aspiration permanente ?
A présent,
analysons la psychologie de celui qui fait Techouva.
Le retour est un
changement d’état, il y a l’avant et l’après. Comment l’homme qui procède à
cette évolution doit-il se considérer ?
Prenons l’exemple
d’un individu qui souhaite se défaire d’une addiction, tel un fumeur. S’il se
sent comme un ancien fumeur, il créé les conditions pour replonger tôt ou tard.
Serge Gainsbourg disait d’ailleurs : « J’arrête de fumer toutes les
dix minutes » !
Il est en fait indispensable
de se considérer comme un « non-fumeur ». Cette projection dans ce
nouvel état opérera sur lui le changement comportemental souhaité et lui
permettra de se maintenir dans sa nouvelle condition.
Ce mécanisme de
projection est essentiel dès lors qu’une personne désire changer de statut ou
de cap, et cela est d’autant plus vrai pour un employé qui devient chef
d’entreprise que pour un adulte qui devient parent, ou tout autre exemple dont
le quotidien ne manque pas.
Dans le domaine de
la santé également, la difficulté que peut avoir un patient à agir en fonction
de sa pathologie ou le refus d’acceptation de son état maladif sont nuisibles à
la guérison. Ne dit-on pas à ce propos : « qui peut panser sa plaie
est à moitié guéri » ?
Se comporter en
corrélation avec son nouveau statut ne veut pas uniquement dire d’endosser un
rôle ou d’incarner un acteur qui jouerait la comédie, mais c’est véritablement
la prise de conscience de la nouvelle étape franchie qui nécessite d’oublier la
précédente afin de vivre pleinement selon sa nouvelle condition.
Voilà la raison
pour laquelle celui qui a fait Techouva chantera « heureux l’homme qui n’a
pas fauté » car il est indispensable pour lui de s’organiser et de se
programmer telle une personne nouvelle, un être transformé et revigoré.
En d’autres termes,
afin de s’assurer que le Tsadik reste un juste, il doit se maintenir comme dans
un processus continu de Techouva ; en revanche, afin que celui se trouve
sur la voie du retour puisse renforcer et consolider son changement, il doit se
projeter dans l’état du Tsadik.
Le Talmud nous
offre une magnifique démonstration d’accompagnement au changement que chacun
est invité à opérer dans sa propre vie.