Le récit de la Torah que nous lisons ces dernières semaines retrace la fondation du peuple juif à travers l’histoire de ses ancêtres. C’est ainsi notamment, qu’il nous est donné l’occasion de redécouvrir Avraham, le premier des patriarches. Empreint d’une dimension particulière, il fut le révélateur du monothéisme. Il ne s’agit pourtant pas là de sa caractéristique essentielle, puisque le succès de sa mission est le témoignage de ses qualités d’enseignant, de leader et de pédagogue hors pairs.
Analysons l’une de ses méthodes, qu’un célèbre Midrash se plait à relater: Avraham dressait sa tente dans le désert et offrait l’hospitalité aux bédouins. En tant qu’hôte légendaire, il faisait préparer les mets les plus succulents pour ses invités. Mais une fois le repas savouré, Avraham refusait les remerciements en son nom, prétendant que seul l’Eternel était digne de les recevoir, Lui seul capable de donner la vie et d’offrir la subsistance à toutes Ses créatures.
Si l’invité refusait, la note devenait alors plutôt salée… comptes tenus des paramètres de distances géographiques et de rareté en matière de restauration, il devenait irraisonnable de s’acharner vers une voie fort onéreuse. Aussi, les populations de l’époque s’habituèrent à évoquer D.ieu dans leurs conversations et la diffusion de Son nom devint concrète.
Cette méthode peut tout de même nous interpeler à plus d’un titre : Pourquoi ne pas prévenir ses invités dès leur entrée sous la tente ? N’était-il pas plus commode d’annoncer le prix à payer avant de servir le repas ?
Et si Avraham cherchait à tout prix l’efficacité en dissimulant volontairement ses motivations, n’aurait-il pas eu plus d’impact en demandant à ses invités de prier le Tout-Puissant dès leur arrivée, tandis que la faim les tiraille et que la tentation d’un menu « haute gastronomie » attise leur appétit ? En pareilles conditions, personne n’aurait pu refuser de prier !
En réalité, Avraham le précepteur des nations, ne cherchait pas à gagner des adeptes en troquant de la nourriture contre une conscience, car sa volonté était de transformer les mentalités idolâtres environnantes pour la croyance en un Maître Suprême de l’univers. Or le changement profond d’une telle conception nécessite de se projeter dans la condition mentale et psychologique de ses interlocuteurs afin de saisir le sens de leurs convictions et de leur mode de vie. Parce qu’il ne s’agit pas de prêcher la bonne parole pour se faire entendre, mais bien de chercher à comprendre l’autre afin de se faire comprendre.
Si la souffrance fait rage, qu’elle soit morale, physique ou psychologique, l’individu n’est pas en pleine possession de ses moyens et grande est la tentation de lui vendre toutes sortes de marchandises, sachant que sa force de résistance est alors quasi inexistante. Mais de cette faiblesse-ci, Avraham n’en veut pas.
Il choisit plutôt de restaurer, de se mettre à l’écoute de son hôte, de l’apaiser et de comprendre ses besoins. Ce n’est que par la suite qu’il lui donne à penser et expose les valeurs qui lui sont chères. L’invité se trouve ainsi devant un choix qui lui est acceptable, il peut raisonner et assimiler ce qui lui est enseigné, mais peut tout autant refuser, auquel cas, il lui faut payer le prix du marché… le prix fort !
Sommes-nous à même de marcher sur les pas d’Avraham, en étant capable d’écouter, de donner et de d’apaiser avant de vouloir convaincre ?