jeudi 29 décembre 2011

Religieux et délicat, est-ce possible ?


L’actualité « ultrareligieuse » israélienne n’offre pas un spectacle enviable, j’ai toujours un dégout profond pour toutes formes de violence qu’elle soit religieuse ou pas. Mais quand elle est religieuse, elle éclabousse sur les autres, même ceux qui ne partagent pas leurs opinions.
Afin de faire taire les amalgames et de démontrer que religieux ne rime pas toujours avec intolérance et fanatisme, la condamnation de ces actes va de soi, mais peut-on se contenter de dire que ce n’est pas bien ?

Sans prétendre être un expert de la situation israélienne, sans connaître l’histoire des clans qui anime l’actualité, sans analyser les motivations qui poussent les médias à ne parler que des extrêmes ou des extrémistes, alors que la société israélienne dans son ensemble est intelligente et sait vivre harmonieusement avec sa diversité de conviction ; le constat est pourtant affligeant : la violence d’une infime partie des religieux est une réalité.
Le diable dira qu’il n’y a pas d’autres moyens de réagir, que les valeurs sacrées sont violées, que l’éducation de nos enfants est en danger, que sur la Terre Sainte, la loi de la Torah doit primer ; certes, d’ici il m’est impossible de peser la pertinence de ces arguments. En revanche, ce qui ne fait pas de doute, c’est que la Torah que nous aimons tant, ne se grandit pas de ce genre d’actualité.

Pourtant il y a un autre moyen… la Torah n’est-elle pas un chemin agréable et ses voies gages de paix ? Comment auraient réagi les grands leaders des générations précédentes, ceux qui ont exprimé une affection et un amour profonds pour chaque membre du peuple juif ?

Un site internet a publié une vidéo du Rabbi de Loubavitch où l’on voit qu’il est certes possible de faire respecter les principes de pudeur de la Torah avec une délicatesse exemplaire.
Il s’agit d’un moment où le Rabbi distribue du vin de la Havdala à la sortie des fêtes… Le public y est joyeux, chante avec allégresse et puis, près du micro, une petite fille qui se trouve près de son père se met à fredonner avec lui et sa voix se fait alors entendre très clairement.
Imaginez cette scène avec des milliers de religieux, contraints d’entendre une voix de femme (d’après la loi juive, la petite fille est assez grande pour « rentrer » sous les lois de la pudeur interdisant aux femmes de chanter devant des hommes). Quelle réaction aurait-il fallu avoir ? Quitter les lieux ? Impossible, car le Rabbi était présent... La faire taire ? Certainement le plus évident, mais comment ?

La réaction du Rabbi ne s’est pas faite attendre et dans un élan d’attention et de délicatesse, il fit signe à la petite fille de taper des mains. Mais mesurant le risque d’une déception de se voir privée de chanter tandis que toute l’assemblée le faisait, le Rabbi ne se contenta pas de cela, dans un geste fort et un élan rythmique avec ses mains, il exhorta tout le public à frapper des mains et suivre cette petite fille, qui devint tout à coup le chef d’orchestre des milliers de ‘Hassidim.

Le sentiment de fierté qui envahit cette fille la marqua certainement à vie et le respect de la loi le voilà préservé !

Sommes nous capable d’allier cette délicatesse à nos actes ? De tenir compte de l’humanité et de la sensibilité d’autrui qui est un principe de base de la Torah, au moins autant important que les valeurs que nous voulons défendre.
Parce que la Torah n’a été donnée que pour harmoniser la société, s’en servir pour la diviser c’est lui faire perdre son âme. Gardons l’espoir d’un sursaut de sagesse !

vendredi 23 septembre 2011

Juifs : vous êtes des voyous !


Il y a parfois des coïncidences qui nous forcent à croire qu’elles n’en sont pas vraiment… Elles seraient plutôt un message de l’histoire pour ceux qui doivent l’écrire, et celle dont je vais vous parler est de ce calibre.
Tout le monde sait que la Bible (première législation et premier livre de l’humanité imposant les Droits de l’Homme) commence par l’épisode de la création du monde.

Or à ce sujet, les commentateurs mêlent leur logique talmudique et ne manquent pas de s’interroger : si la Bible est un livre de loi, pour quelle raison doit-elle nous raconter l’histoire de la création du monde et la Genèse de l’humanité ? Il aurait été plus judicieux de débuter par la première injonction Divine, à savoir la sanctification du début du mois.

Ainsi Rashi (1040-1105) répond : certes, selon la logique législative, cette remarque se justifie, mais ici il s’agit d’apporter l’origine et la preuve de l’appartenance du monde à un Créateur. Et s’il est important d’affilier l’univers au Créateur, c’est comme l’écrit Rashi, parce qu’un jour viendra celui qui accusera Israël en disant : « Juifs, vous êtes des voleurs, vous nous avez confisqué notre terre ! » Ce à quoi vous répondrez : « toute la terre appartient à l’Eternel, c’est par Sa volonté qu’Il vous l’a donnée et c’est par Sa volonté qu’Il vous l’a reprise pour nous la donner ».

La question et sa réponse se trouvent dans le texte évoquant le premier jour de la création (25 Eloul), qui tombe cette année le vendredi soir 23 septembre, au moment où la tribune de l’ONU accueillera un homme voulant proclamer la création d’un Etat sur des terres historiquement juives. Son argument principal est que les juifs sont des voleurs et qu’ils ont spolié ces terres – assorti d’autres revendications tout autant vaseuses.

C’est alors que nous autres juifs, mais pas uniquement, car tous les croyants du monde entier et ceux qui considèrent la Bible comme le fondement de leur foi et de leur éthique, doivent s’unir ensemble pour affirmer clairement que la Terre d’Israël appartient au peuple juif pour des raisons historiques, oui, mais également et surtout car c’est la terre qui a été donnée au peuple d’Israël.

Dire la vérité aux menteurs et usurpateurs de l’histoire, c’est se garantir de ne pas en être complice !

jeudi 18 août 2011

Quand D.ieu Se cache dans les détails!


Cette semaine, la Torah nous met en garde contre la tendance qui nous conduirait à négliger les petites choses. Dans notre Paracha du nom de Ekev, signifiant le talon, Moïse exhorte le peuple juif à faire attention à ces choses que nous repoussons sur notre passage avec nos talons; leurs valeurs étant mineures ou accessoires à nos yeux, nous serions parfois tentés de les écraser.

Rabbi Haïm ibn Attar (1693-1743), auteur de l'illustre commentaire "Or A’haïm", explique que cette mise en garde est destinée essentiellement à ceux qui étudient la Torah et observent assidûment ses commandements. En d’autres termes, elle ne s’adresse pas (en premier lieu) aux personnes dont la pratique religieuse n’est pas régulière et qui, de ce fait, en négligent forcément certains aspects. La Torah interpelle les hommes dont la pratique est quasiment irréprochable, mais qui sont parfois les premiers à mesurer et à soupeser les moindres petits éléments de la loi, pour finalement les dévaloriser, tels de négligeables poussières, au lieu de les considérer comme des matières fines.

Au regard de la logique et de la nature humaine, il est généralement admis que l’importance d’une action dépend de son impact. Suivons ainsi l’érudit qui consacre quotidiennement plusieurs heures à l'étude et s’isole dans un monde intellectuel dont les délices des méandres talmudiques rassasient son esprit. Une fois redescendu de cette sphère et ouvrant les yeux sur un milieu insensible à la grandeur des raisonnements qu'il expérimente, cet homme a tendance à considérer le monde matériel avec mépris. Certes, il avance sur terre avec ses pieds, mais sa tête est encore dans le ciel. Ne regardant pas où il marche, il donne des coups de pieds, néglige les gens qui passent, ne sourit plus au monde environnant et n’est plus attentif aux besoins de son entourage. «Ekev» le talon !

Cette situation englobe deux facettes: le risque existe pour soi-même, mais aussi envers les autres.
Lors d'un séjour dans une ville où il n'y avait que très peu de nourriture Cacher, je suis passé avec un collègue de travail devant un chocolatier pour une « pause énergie ». A ma surprise, il commanda un chocolat contenant du lait non chamour (non surveillé). Je me permis de lui faire remarquer son inattention... mais il rétorqua simplement qu’il ne faisait «pas attention à ces choses»!
Comment cela, « ces choses » ? Parce qu’il est religieux, parce qu’il étudie et connaît la valeur des «choses», par conséquent il estime que mettre ses Tefilines, manger Cacher ou respecter le Chabbath sont des actions importantes, par contre « cette petite chose », le talon peut lui donner un coup sans état d’âme et l’écraser par le poids de la connaissance.

Cette négligence se retrouve aussi parfois de façon latente dans la considération d'autrui. Combien de fois avez-vous entendu de la bouche d’un rabbin ou d’un maître en Torah : « Mais pour lui ce n’est pas grave, de toutes façons, il n’est pas religieux... ». Ces gens admettent que certains éléments sont importants, mais seulement pour eux-mêmes ! Comme si la Torah avait des critères d’exigence variables en fonction des individus et de leur pratique. Derrière cette affirmation se dessine clairement un non-dit, laissant sous-entendre qu'au fond, ce n’est pas capital pour soi non plus! Ce qui revient à façonner une échelle de valeurs dans la Torah...

C’est contre cette erreur que Moïse met en garde le peuple juif dans cette Paracha, car il s'adresse à une génération qui a grandi dans l’étude et la pratique de la Torah (contrairement à la génération précédente qui avait passé sa jeunesse dans les camps de travail égyptiens). Et le risque de valoriser un élément au détriment d’un autre peut surgir spontanément.

Cette semaine, la Torah nous enseigne la valeur de chaque bonne intention, chaque pas ou chaque geste, même s'il semble anecdotique. En réalité, c’est derrière ces poussières que se révèle notre caractère et se cache notre profonde motivation pour faire les grandes choses.

Comme quoi, D.ieu se cache dans les moindres détails !

mardi 9 août 2011

Le 9 Av : un cadeau de nos amis !


Le jour le plus triste du calendrier juif, le 9ème jour du mois de Av fut marqué par trois événements dramatiques de notre histoire.
Le premier épisode sombre eut lieu en -1312. Le Peuple Juif était sorti d’Égypte, il croyait en D.ieu avec ferveur et pureté. Devant la Terre de Canaan, des explorateurs furent envoyés pour sonder le pays. A leur retour, ces hommes décrivirent la terre sous de bons et de mauvais angles… Comment réagir ? Fallait-il se réjouir de telles nouvelles ? Le Peuple Juif resta perplexe et devant tant d’hésitation, les « amis d’Israël » ne manquèrent pas de saisir l’occasion pour imposer leurs opinions et l’inciter à se rebeller. La méthode de séduction fut imparable: « Souvenez-vous des merveilles passées que vous avez laissées derrière vous en Égypte et cessez de rêver ! La conquête de la Terre Promise ne pourra jamais se faire, car l’ennemi est trop fort. » C’est ainsi que ce Peuple Juif, toujours à l’écoute des bons conseils de ses amis, se laissa aller plutôt que de suivre sa propre conviction, et en cette date du 9 Av, se mit à pleurer et refusa de conquérir la terre. Il le paya très cher, puisque s’en suivirent 39 années d’errance dans le désert et la mort d’une génération entière (585 000 personnes) !
Ce jour fut et restera marqué à jamais comme celui de tous les malheurs pour notre peuple. Les destructions des deux Temples de Jérusalem en -423 et en 70 sont les deux autres drames majeurs survenus le 9 Av (des catastrophes mondiales survinrent par la suite ce jour-là au cours de l’histoire).

Au fait, qui sont ces « amis » qui nous menèrent vers cette fin si funeste ?
La sortie d’Égypte avec son cortège de miracles grandioses fut une démonstration éclatante de la puissance de D.ieu, dont les prodiges et les merveilles impressionnèrent plus d’un peuple sur terre. C’est alors que de nombreuses personnes, des Égyptiens de souche, envoutés par la suprématie du D.ieu d’Israël, choisirent d’embrasser la culture juive. Pourtant, leur sincérité fut maintes fois éprouvée et s’avéra vraiment déficiente…

Quel fut l’impact de ces individus  sur le Peuple Juif ?
Le tempérament humain est tel que nous autres, êtres humains, accordons beaucoup d’estime à ceux qui adhèrent à la même croyance que la nôtre. Imaginez un instant ce peuple qui sortit d’Egypte, rejeté de tous et encerclé d’ennemis… Il porta forcément une grande admiration à ceux qui choisirent de devenir ses amis, envers et contre l’opinion générale. Cette admiration se mua bien vite en fascination et en estime, car au fond, quelle bravoure avaient ces amis en rejoignant le rang des Hébreux malgré la fronde puissante des opposants !

Le charme de ces amis commença à hypnotiser les enfants d’Israël, créant en eux une certaine fragilité. Ainsi, le jour où ils suggérèrent d’agir d’une certaine manière, même si cela était contraire aux intérêts du peuple, tous s’efforcèrent de se conformer à leurs recommandations. Or, dans la mesure où ces amis n’avaient pas la même histoire et qu’ils ne partageaient pas les mêmes préoccupations, malgré leur empathie, ils ne pouvaient que les faire glisser vers une pente néfaste. Désapprouver ses amis ou les critiquer aurait été perçu comme un affront après tant de preuves d’amitié à leur égard.

Dans le désert, les Juifs ont subi ces amis égyptiens, comme si ces nouveaux convertis étaient suffisamment inspirés pour leur donner des leçons en matière de terre sacrée. Les grandes crises qui se succédèrent furent tout autant causées par ces « amis » et, plus tard dans l’histoire, cette fascination pour des pseudo amis fut également ce qui causa la perte du Peuple Juif.

Nous trouvons une autre illustration flagrante de cette situation à l’époque de la destruction du deuxième Temple de Jérusalem en l’an 70.
La domination de l’Empire Romain sur la Judée a profondément marqué l’état spirituel du Peuple Juif. La fascination des Romains pour la culture juive, sa discipline, la sagesse de ses maîtres, sa philosophie et sa science fut à l’origine d’une grande jalousie envers les Juifs. Certains traduisirent cette envie en décidant de comprendre et d’étudier la Torah, allant même jusqu’à se convertir pour quelques-uns d’entre eux. Et la jeunesse juive crut voir dans cet intérêt l’opportunité d’un rapprochement avec les cultures étrangères au judaïsme.
Les Juifs commencèrent ainsi par fréquenter les lieux huppés de la bourgeoisie romaine, à s’assimiler à leur mode de vie et à se fondre dans la société qui les entourait. Le destin politique n’étant pas bien loin, ils accédèrent à des postes à responsabilité, au droit de gestion sur la Judée, et même sur le lieu le plus sacré du Judaïsme – le Temple – qui fut sous le contrôle de ces jeunes Juifs qui n’avaient pour seule ambition que de plaire aux yeux de l’Empereur.
Le nouvel ami romain était généreux, compréhensif et intelligent, il était naturel de lui vouer une confiance totale, car après tout, il ne cherchait que le bien des Juifs!

Ces jeunes fascinés par le pouvoir et la puissance ont permis la division du peuple et ont rendu impossible toute négociation avec l’Empire pour protéger le Temple de la destruction.

C’est alors que les enfants d’Israël héritèrent de ses amis un cadeau : la beauté du combat, l’art de la guerre, le courage pour la bataille… Néanmoins, certains avaient perdu la véritable expression de l’âme, celle qui n’a pour seule vocation que de puiser sa force dans la lignée de nos ancêtres et dans la foi profonde.

Et aujourd’hui ?
Devons-nous avoir honte de ce que nous sommes ? Renier nos valeurs ? Nos convictions ? Au nom de quoi devrions-nous refuser de défendre ce qui nous est cher uniquement pour contenter nos amis ?

Combien allons-nous accepter d’entendre avec servitude certains amis d’Israël nous donner des leçons (conseils) comme si nous étions des inconscients ou des enfants ? Où étaient-ils à l’heure de notre souffrance ? Ces amis admirent dans un sourire affable notre courage et notre force de caractère lorsque nous nous reconstruisons après tant de douleurs et de destructions, mais ce sourire séduisant n’a pour seul but que d’exercer un pouvoir sur nous le moment venu.

Retenez cette date, le 9 Av, comme celle où l’ami a exercé son pouvoir de séduction sur nous, parce qu’il nous voulait du bien.
Comme disait un ami : « Entre amis, on doit pouvoir tout se dire. » C’est fait !


Inspiré d’une lettre du Rabbi Yossef Yits’hak Schneersohn de Loubavitch
9 Av 1919

vendredi 15 juillet 2011

Quand D.ieu demande le pardon !

Les sacrifices quotidiens dans le Temple sont au programme de la lecture de la Torah cette semaine. S’agissant de ceux offerts lors du Roch ‘Hodech (le premier jour du mois) le verset termine en disant : « et un bouc comme sacrifice d’expiation pour l’Eternel… ».
Quel sens prend ici le terme « l’expiation pour l’Eternel » ?
L’explication première rapportée dans le Rashi dit qu’il s’agit d’une faute dont seul D.ieu a connaissance ; mais ce n’est pas parce que nous ne savons pas que nous avons fait une erreur qu’elle n’existe pas, il faut aussi nous en faire pardonner.

Toutefois, Rashi termine avec une autre explication du verset, pour le moins surprenante, en disant qu’ici, il s’agit d’apporter une offrande d’expiation pour D.ieu. Mais de quelle faute s’agit-il ? Comment D.ieu peut-Il fauter ? Faire une erreur ?
Rashi répond que cela se rapporte au fait d’avoir réduit la taille de la lune après sa création.
En effet, lors de la création des luminaires (le quatrième jour de la création), la lune et le soleil brillaient à puissance égale, mais la lune s’est démarquée en arguant qu’il n’était pas possible d’avoir deux grands luminaires qui règneraient en parallèle. La réponse du Créateur fut pathétique pour elle puisque D.ieu appliqua la règle du conseilleur payeur et diminua la taille de la lune.

C’est pourquoi, chaque début de mois, tandis que la lune se remémore ce traumatisme (même si elle en est responsable), D.ieu demande au Peuple d’Israël de faire un sacrifice pour Le pardonner.

Revenant de Pologne pour un voyage de recherche sur les victimes de la Shoa, je trouve un sens vraiment particulier dans ce Midrash cité par Rashi (qui pour le traducteur Yonathan ben Ouziel c’est l’explication principale de ce verset).

Il est expliqué à maintes reprises dans la Kabbale que le Peuple Juif est comparé à la lune : il grandit, il connaît des périodes de gloire intense et malheureusement, comme l’histoire le montre, des moments dramatiques de diminution, de solitude voir presque parfois, de disparition. Puis il réapparait, pour connaître de nouvelles phases de splendeur et de plénitude…

Il est un principe premier qui nous enjoint d’avoir une foi absolue en la justice de D.ieu (sans pour autant pouvoir la comprendre ou l’appréhender). Pour autant, D.ieu s’adresse au Peuple Juif à chaque début de mois, lorsque la lune « disparaît ». Lorsque Son peuple est rabaissé, humilié, affaibli, lorsque Ses enfants souffrent d’une injustice accablante et que certains y voient même une éclipse divine, où tous les cauchemars sont permis, D.ieu demande alors à Ses enfants d’apporter une offrande expiatoire pour Le pardonner. Il nous demande à nous – être humains totalement dépendants de Sa volonté – de bien vouloir Lui accorder le pardon pour les moments sombres que nous avons vécus !

Serions-nous insensés de penser qu’Il nous a oubliés ? Jamais ! Car pendant que nous souffrons, notre Père dans le ciel verse des larmes de douleur pour Ses bien-aimés. Tel un engagement, cette demande de pardon est bien le signe qu’un jour, la lumière de la lune sera aussi grande que celle du soleil, que le peuple d’Israël brillera de sa grandeur d’antan et que D.ieu effacera les larmes de tous les visages ! Puisse cette promesse s’exaucer rapidement de nos jours !

dimanche 26 juin 2011

Les trois étapes d’une révolte


Cette semaine, la Paracha nous fait vivre l’un des événements les plus perturbants de l’histoire de notre Peuple dans le désert.
Replaçons-nous dans le contexte : nous sommes deux années après la sortie d’Égypte, après la traversée de la Mer Rouge, après le don de la Torah.  Les enfants d’Israël savent pertinemment que grâce aux efforts déployés par Moïse, D.ieu les a pardonnés de la faute du veau d’or et de l’épisode des explorateurs.

Pourtant, malgré tout le dévouement et l’abnégation dont Moïse fait preuve au cours des pérégrinations du Peuple Juif, il se trouve un individu qui souhaite prendre sa place : Kora’h !
Une première question nous saute aux yeux immédiatement… Mais pour qui se prend-il? Qu’a fait Kora’h dans sa vie qui puisse légitimer une telle démarche ?

C’est alors que la Torah intervient justement à ce propos en disant : « Il prit, Kora’h, fils de… et Datan et Aviram ».  Kora’h est le sujet qui a pris. Mais qu’est-ce qu’il a pris ? Où est le complément d’objet ? Un verset avec un sujet, un verbe, mais sans complément.
Rashi intervient en commentant : « Il s’est pris ! Lui-même ! »

Telle est donc la base de la révolte : il faut se prendre pour quelqu’un. Pour qui se prend-il celui-là ? Dans cette remarque se cache le premier symptôme du problème. Alors que lorsque D.ieu demandait à Moïse de prendre des responsabilités et de faire sortir son Peuple d’Égypte, celui-ci : répondit « Mais qui suis-je ? N’est-il pas possible de trouver une personne plus apte que moi ? » Kora’h est donc l’antithèse de Moïse.

La deuxième étape c’est la contestation, l’argumentation et la ridiculisation.
Kora’h conteste le caractère prophétique et spécifique de Moïse en l’invectivant: « Nous étions tous au Mont Sinaï, nous sommes tous égaux devant l’Éternel, pourquoi serais-tu supérieur ? »
Puis il ridiculise Moïse en lui posant des questions d’ordre rabbinique dont les réponses sont tout autant incongrues que les questions elles-mêmes.

Mais l’orgueil exprimé au début risque de mettre en péril sa stratégie et Kora’h le sait bien…. Il lui faut donc montrer que ce n’est pas son égo qui l’a poussé à la révolte, mais le bien commun. Kora’h part ainsi en campagne, il va de porte en porte pour expliquer que son but n’est pas de créer la zizanie, ni de se mettre calife à la place du calife, et encore moins de déstabiliser le peuple (qui vivait très bien). Bien au contraire, il argue que tout le monde va profiter de ses réformes et de sa rébellion contre le pouvoir établi, qu’il y aura des postes pour chacun... En d’autres termes, il se sacrifie pour le bien commun.

Sa chute n’en est pas moins tragique. Kora’h et ses acolytes ont été avalés dans la terre, ne laissant aucune trace d’eux à sa surface, comme oubliés de l’humanité.

Parce que la tentation de révolte d’inspiration Kora’hique est toujours d’actualité : la volonté de se prendre pour quelqu’un au-dessus du lot ou de revendiquer, sous de pseudo-motivations altruistes, un rôle dans la hiérarchie de la société dans le seul but d’assouvir son désir de pouvoir et un égo surdimensionné, est un phénomène familier. Nous connaissons à présent le risque encouru…

vendredi 27 mai 2011

Comment vivre en harmonie dans une société multiculturelle ?

Comment devons-nous appréhender la diversité culturelle dans laquelle nous vivons ? Se fondre dans le moule et l’uniformité, quitte à perdre notre propre identité ? Ou alors faut-il assumer notre singularité positivement avec le risque d’être accusé (à tort, bien souvent) de vivre en marge de la société ?
Il est vrai qu’aucune de ces deux alternatives ne donne entière satisfaction, car abandonner sa culture est aussi traumatique que de vivre comme des exclus. Il nous faut donc imaginer une troisième voie.

C’est précisément l’exercice que nous propose la lecture de la Thora de cette semaine.
Elle raconte la façon dont le peuple juif a séjourné dans le désert et comment il y a organisé ses campements.

Le contexte historique est intéressant : le peuple juif a été libéré du joug égyptien depuis un an, il se forge déjà un destin et un avenir communautaires. A ce moment-là, il semble donc souhaitable que les enfants d’Israël décident de la façon dont ils veulent s’organiser en terme d’urbanisme et qu’ils favorisent le métissage entre les douze tribus. Ce mélange entre les intellectuels, les scientifiques, les commerçants, les techniciens, les artistes etc. est à priori nécessaire pour lier le peuple. Le multiculturalisme n’est-il pas source d’enrichissement pour la société ?

Or, à notre plus grande surprise, la Thora demande de faire camper chaque tribu de façon distincte avec un drapeau pour la discerner. Je me permets de mentionner que ce fut d’ailleurs l ‘apparition des premiers drapeaux dans l’histoire de l’humanité, qui ne manquèrent pas d’inspirer toutes les civilisations par la suite. Ces drapeaux étendus à l’entrée du campement symbolisaient la particularité de la tribu, ils différenciaient les uns des autres, somme toute comme une forme de communautarisme… Un écueil à éviter pensez-vous ?

La réponse tient au fait que si chaque camp était séparé et identifiable, néanmoins tous étaient tournés vers le centre où se trouvait le Tabernacle, lieu de recueillement commun. Ainsi, chacun pouvait expérimenter et vivre sa diversité dans la plénitude tout en partageant des valeurs collectives au cœur d’une certaine moralité et spiritualité.

Ainsi, il nous est possible de revendiquer une identité différente avec fierté et dignité, de lever notre étendard au-dessus de nos maisons, à la condition d’être tournés dans la même direction et de nous réunir, de défendre les valeurs communes qui nous sont chères. Ces valeurs qui soudent les hommes autour d’un projet de société garantissent la dignité à chacun et le respect de ses convictions.

N’est-ce pas cela le sens de l’adage - aussi fameux que difficile à mettre en pratique - d’Antoine de Saint-Exupéry : « Aimer, ce n’est pas se regarder l’un l’autre, c’est regarder ensemble dans la même direction » ?

samedi 14 mai 2011

Le fond et la forme


Pirké Avot : chapitre 3 Michna 12.

Rabbi Yishmael dit : « Sois docile à l’égard d’un supérieur, affable à l’égard du jeune âge et accueille toute personne d’un visage réjoui. »
L’enseignement de Rabbi Yishmael nous invite à ne pas adapter notre bienveillance à l’égard de l’autre en fonction de sa grandeur ou de son statut social. Il semble logique que se rendre disponible et obéissant envers un supérieur hiérarchique ne constitue pas une qualité de cœur digne d’être remarquée, alors que si cette qualité se témoigne envers un jeune ou un subordonné, elle devient le signe d’une élégance certaine.
Puis en concluant de devoir accueillir chacun avec un visage réjoui, il ne fait pas seulement nous éveiller à un devoir, mais aussi à motiver ses directives. Il s’agit ici pour Rabbi Yishmael de nous dire qu’il n’est pas possible à l’homme de distinguer le véritable supérieur ou attester d’une réelle jeunesse.

Qui est le jeune ? Celui dont la chevelure n’a pas encore blanchi ? Mais il se peut qu’il soit plein de sagesse et de maturité. Qui est le supérieur ? Celui qui a l’autorité ? Et si cette autorité n’était que la conséquence d’une attitude autoritaire et violente, serait-elle digne de respect ?
Voir au-delà de l’aspect extérieur du statut social ou de la maturité nous conduit forcement à considérer chacun comme un être unique, important et méritant l’estime.

Il n’est pas anodin que Rabbi Yishmael soit à l’origine de ces conseils en nous demandant de ne jamais s’arrêter à l’image ou à la forme, mais regarder le fond et le bien en chacun.
Dans sa jeunesse il était prisonnier à Rome et c’est Rabbi Yehochou ben Hanania qui a vu en lui le potentiel d’un grand sage, dont il paya la rançon pour le libérer.
Durant sa vie il ne se fiait jamais à l’aspect extérieur des gens, le Talmud (Nédarim 9b) raconte qu’un homme jura de ne jamais épouser sa nièce, car elle était laide ; Rabbi Yishmael ordonna de l’accueillir chez lui, de la nourrir et de l’embellir, puis il la présenta à nouveau au récalcitrant en lui demandant : « Est-ce bien celle-là que tu juras de ne jamais épouser ? » Surpris par la présente beauté de cette fille, Rabbi Yishmael lui enleva son vœu et l’homme l’épousa. Rabbi Yishmael déclara alors : « Qu’elles sont belles les filles d’Israël, hélas, la pauvreté les enlaidit ».
N’est-ce pas lui qui enseigna : « Si le mauvais penchant veut s’emparer de toi, prends le au Beth Hamidrach (maison d'étude) car s’il est dur comme la pierre il va fondre et s’il est rigide comme le fer, il explosera ».

Ainsi, son enseignement est à l’image de sa vie. A nous de nous en inspirer !

jeudi 17 mars 2011

Souffrez-vous d’insomnie ?


Qui arrive à dormir paisiblement en ce moment ? L’obscurité de la nuit est plus inquiétante que l’arrivée du jour prochain. Alors on cherche son sommeil, on éprouve le besoin de distraire ses pensées, d’oublier. Parce que bien plus que la nuit qui fait peur, ce sont les ténèbres qui nous entourent qui se font menaçantes. Une centrale nucléaire par ci, des révoltes populaires par là, des séismes à ne plus trouver son équilibre, et Israël dans tout ça ? ! Une famille massacrée par des barbares assoiffés de sang d’innocents !
C’est la nuit !

Lorsque Elie Wiesel titrait son ouvrage « la nuit », c’était aussi prémonitoire !
Qui arrive vraiment à poser sa tête sur l’oreiller en se disant qu’il pourra y échapper ? La toute puissance humaine s’écroule comme un château de cartes quand la terre sur laquelle elle pose ses pieds se rebelle. La terre gronde et notre tête ne s’apaise plus.

Ne pas trouver son sommeil est bien le signe d’un manque de sérénité, d’une remise en question… Au fond, peut-être est-ce aussi une quête d’équilibre ?

La coutume veut que lorsque nous lisons la Méguila, il faut élever la voix quand nous arrivons au passage « cette nuit-là, le sommeil fuyait le roi », car les sages expliquent que c’est alors que commence le miracle.
Que se passe-t-il ? Les étapes successives tout à fait naturelles du récit d’Esther nous amènent pourtant à l’épisode le plus tragique de la narration : les juifs subissent de plein fouet le décret d’extermination, et le puissant premier ministre Haman est sur le point de pendre le chef spirituel du peuple.

Mais tandis qu’Haman est en route pour demander la permission au roi d’exécuter son ennemi juif, le roi souffre d’insomnie. Cet épisode marquera un tournant, puisque Morde’hai sera promené avec les plus grands honneurs dans la ville par son ennemi juré, dans un retournement de situation remarquable !

Oui, c’était la nuit, nous étions au bord du précipice, le moindre faux pas aurait pu être fatal. Plongés dans les plus profondes ténèbres, il nous était impossible d’apercevoir le moindre rayon de lumière ou une infime lueur d’espoir. Nous pensions que le roi dormait, qu’il était absent, insouciant, ou tout au moins indifférent ; en tout cas, nous pouvions croire qu’il s’était retiré des affaires, négligeant la gestion du monde et laissant la nature faire à sa tête… Pourtant, la Méguila témoigne que le roi est insomniaque, non, il ne dort pas ! Sa conscience ne lui donne pas de répit. Tourmenté par ses états d’âme, il reste vigilant.

Voilà donc la raison pour laquelle le lecteur élève la voix. Comme pour nous signifier que malgré la nuit et son cortège de doute et d’incertitude, c’est à ce moment-là que le roi modifie le cours de l’histoire pour faire triompher le bien et faire jaillir la lumière.

Dans le livre d’Esther, D.ieu n’est jamais mentionné, mais caché derrière le titre de roi, Il  voyage incognito dans le monde - comme dirait Einstein. En réalité, le Roi des Rois agit sur les événements de la nature afin de les orienter favorablement pour le sauvetage du peuple juif. En reprenant la lecture de la Meguila sous cet angle, nous constatons que c’est le roi lui-même qui avait permis la promulgation du décret d’extermination du peuple mais c’est également ce même roi qui, au plus profond de la nuit, ne trouvait plus le sommeil… La procédure royale consistait alors à feuilleter le Recueil des Annales, pour y consulter les actions méritoires du royaume. La lecture des mérites de Morde’hai est bien le facteur qui a amorcé la délivrance.

L’insomnie du roi provient de son angoisse de la nuit sombre et de l’exil, mais lorsque l’homme n’arrive pas à dormir, il sait qu’il peut compter sur son Roi, « le gardien d’Israël qui ne dort ni ne sommeille ». A nous donc de veiller à être inscrit dans le livre des personnes méritantes à travers nos bonnes actions et une bonté accrue envers chacun.

Cette nuit, à quoi penserez-vous avant de dormir ? Aux angoisses accumulées par les nouvelles dans le monde ou à votre capacité à jouer un rôle positif et lumineux pour vos voisins, vos amis, votre famille ?

jeudi 24 février 2011

Time management : important vs. urgent !


A sa descente du Mont Sinaï, Moïse dicte au Peuple Juif les plans de construction du Tabernacle dans le désert, en veillant à leur présenter au préalable l’injonction du respect du Chabbat.
Pourtant, tous étaient présents lors de la révélation du Mont Sinaï, qui spécifiait entre autres la cessation de toute activité professionnelle durant le Chabbat. Pourquoi était-il donc nécessaire de répéter le commandement du Chabbat et de l’associer à la construction du Tabernacle ?

En matière de gestion du temps, les professionnels le savent bien, la règle sine qua non d’une bonne gestion, c’est d’être capable de faire la distinction entre ce qui est urgent et ce qui est important. Pour être efficace, il faut se concentrer en priorité sur les objectifs importants relevant d’une vision et d’une stratégie à long terme. Ce sont les choses importantes qui feront la différence dans le temps, car même si dans l’immédiat leur bénéfice n’est pas toujours visible, elles ont pour objectif de produire leur effet de façon profonde et pérenne.

En revanche, la gestion de l’urgence – même sous de faux aspects d’importance – ne tient compte que de son efficacité à court terme et bien souvent, la prise de décision dans l’instantané conduit vers des directions que nous pouvons être amené à regretter avec le temps.
En d’autres termes, l’urgence prend en compte l’effet instantané d’une décision tandis que l’important construit paisiblement son édifice.

Ne serait-ce pas là le message que Moïse veut donner au Peuple Juif juste avant d’entreprendre les travaux de construction du Tabernacle ?

La construction du Tabernacle – la demeure de D.ieu – incarne sans aucun doute l’œuvre spirituelle par excellence. Mais l’implication dans la construction d’un édifice aussi sacré soit-il, ne pourra jamais remplacer la fonction que remplit un jour tel que le Chabbat.
Le Chabbat, c’est l’expérience hebdomadaire du principe de la gestion du temps. Cesser de construire, cesser de croître. Toute la semaine l’homme s’investit pour faire grandir ce qu’il a, tandis que le Chabbat, il va s’investir pour développer ce qu’il est. En somme, c’est bien là la tâche la plus importante !

Prendre le temps de parler avec sa famille, de déguster un repas sans être dérangé par son téléphone ou tout autre outil de productivité, de chanter avec ses invités ou plus simplement, de se concentrer pour remercier l’Éternel par une prière fervente. C’est véritablement ce qui est le plus important dans la vie d’un homme, et à côté de cela, toutes les autres tâches deviennent juste « urgentes ».

Offrir une partie de soi à la construction d’un édifice extérieur, qu’il soit aussi sacré que le Temple ou vital à l’instar d’une carrière, ne pourra jamais constituer une échappatoire à l’injonction de se construire soi-même et à se consacrer à ce qui fait office d’importance primaire. Ainsi, le temps du Chabbat n’est pas celui de l’oisiveté, de l’inefficacité ou de l’inactivité, bien au contraire, c’est le moment où chacun se consacre exclusivement à ce qui est authentique. La construction de notre humanité !

Quelle belle leçon de management la Torah offre à notre civilisation moderne.

jeudi 17 février 2011

Des tables arrondies et une tête carrée ? Ou le contraire !


Que ce soit en raison des peintures de Michel Ange ou bien du fronton de plusieurs célèbres synagogues d’Europe, nous avons tous en tête l’image des Tables de la Loi avec les angles arrondis en haut. Cette représentation imprime inconsciemment les esprits des enfants depuis leur plus jeune âge, qui gardent en mémoire cette forme arrondie pour symboliser les Tables du fondement de la Loi.
Il est difficile de dater précisément l’apparition de cette représentation, les chercheurs sont pourtant unanimes pour affirmer que cet aspect arrondi constitue une erreur et n’est finalement qu’une déformation suite à la censure chrétienne.

Une description explicite dans le Talmud (Baba Batra 14a) démontre que les Tables de la Loi avaient des bords carrés !
Par ailleurs, une édition du fameux livre de Kabbale « le Chla », datant de 1698, présente l’image de ces Tables avec deux blocs carrés, comme étant une reproduction identique de la forme originale.

De nombreuses synagogues ont corrigé cette anomalie, cependant l’adoption par l’esprit populaire de l’arrondi fait encore parfois blocage. Et après tout, quelle différence ? Que les coins soient ronds ou carrés, l’essentiel n’est-il pas ce qui est écrit dessus ? La forme des Tables serait-elle aussi importante que l’inscription y figurant ?

En réalité, il s’agit ici de rétablir une vérité qui dépasse l’esthétisme du symbole, car si l’on dépeint des Tables de la Loi arrondies, on transmet par là un message fourvoyé. Lorsque les lois s’accommodent au gré du temps et des réformes, par simple esthétisme intellectuel, c’est le signe que le temps est venu pour cette religion archaïque d’arrondir ses angles afin d’être un peu plus en phase avec son environnement et une société en constante mutation, dévorée par le progrès.

Être « carré », c’est consentir à l’aspect immuable de la transmission Divine, résistante aux temps et aux changements. Non pas qu’il nous faille entretenir un archaïsme, bien au contraire, c’est parce que nous avons la conviction profonde que le véritable progrès ne peut s’opérer que dans le cadre bien « carré » des textes de la Torah.

Bien souvent nous condamnons les différents gouvernements quand ils font leurs choix en fonction des baromètres de satisfaction, des sondages, des audiences de télévision ou encore des faits divers. Nous exprimons ainsi le refus de nous voir balader sans cesse par des réformes successives sans effet, et des ruptures avec le passé sans garantie que le futur sera meilleur. En fait, nous savons en notre for intérieur qu’arrondir les angles, c’est l’expression d’une faiblesse et une marque d’incertitude.

À l’inverse, notre Tradition a choisi de construire le futur avec les solides repères du passé, et c’est à cette condition que le génie humain peut s’exprimer pleinement pour adapter le progrès et la modernité au cadre moral et spirituel défini par la loi.
Parce que la Tradition a toujours pensé qu’il était préférable d’avoir des Tables carrées et immuables associées à une tête ronde et adaptable, plutôt que l’inverse !

jeudi 10 février 2011

Regard sur le handicap


La révision de la loi sur la bioéthique qui s’est ouverte cette semaine à l’Assemblée nationale n’offre, à priori, pas beaucoup de perspectives d’amélioration en terme de considération de la condition humaine. Mais j’espère me tromper…

Cependant, la question du dépistage prénatal pour diagnostiquer le bébé atteint d’une trisomie 21 retient mon attention. Le ministre de la Santé Monsieur Xavier Bertrand répond à une interview, dans le journal La Vie, concernant le risque d’eugénisme que peut provoquer ce dépistage, dans laquelle il explique qu’il compte bien refuser la sélection génétique des enfants à naître.
Puis lorsque le journaliste lui demande ce qu’il pense des statistiques révélant que 96% des grossesses sont interrompues en cas de trisomie, il dit : « Ce n’est pas mon rôle de commenter ces chiffres. Il faut beaucoup de force aux parents qui choisissent d’accueillir un enfant lourdement handicapé. Ma mission, c’est de donner un cadre qui permette un libre choix. Et de faire évoluer le regard de notre société sur le handicap, car elle a du mal à accueillir les différences, la trisomie, le vieillissement... »
Et pourtant, force est de constater que ni les parents ne sont capables de faire face à cette difficulté sans y consacrer des ressources énormes, ni la société qui nous entoure n’est capable de changer son regard sur ces enfants.
Nous oublions trop souvent que si la présence de ces enfants est parfois difficile pour l’entourage, c’est en grande partie due à la marginalisation et à la mise à l’écart de la société tout entière, comme si c’était une maladie contagieuse !

Cette pression est en grande partie la cause de ces avortements, grandement décriés par les ONG ou les associations. Or, il est grand temps que cela change, que l’intégration dans notre paysage des personnes handicapées devienne une cause nationale. Parce que l’acceptation de la différence, c’est notre capacité à voir l’humanité chez l’autre. Regardons-y de plus près… La ségrégation que subissent ces individus ainsi que leurs familles est le plus grand signe du mépris de l’âme qui anime le corps de chacun.

Qui peut décréter que l’âme d’une personne dite « normale » est plus grande ou plus saine que celle d’un enfant portant un handicap ? Au nom de quel principe moral sommes-nous en mesure de calculer la richesse apportée à l’humanité par la naissance de telle ou telle personne, plus ou moins bien portante ?

Car si pour ces enfants handicapés le droit à la vie est incontestable, il incombe à la société de prendre conscience de son devoir d’assistance et de responsabilité vis-à-vis d’eux. Notre société a le devoir de prendre en charge, non seulement les besoins vitaux de ces enfants, en leur offrant un accompagnement adéquat et les meilleurs traitements, mais également d’instaurer un service de proximité pour aider ces familles – parents et autres enfants de la fratrie - à garder leurs repères et à alléger leur charge.

Friendship Circle est une association créée aux Etats-Unis, présente également en France, dont le but est d’œuvrer dans ce domaine. Il m’est donné ici l’occasion de rendre hommage à leurs formidables équipes. Dans l’espoir que nous changions nos aprioris sur le handicap et que nous sachions faire preuve d’humanité envers ceux qui portent et qui chérissent le plus grand cadeau de la vie, celui de posséder une âme !

vendredi 4 février 2011

Le petit Palais d’un grand Roi


Dans l’imaginaire collectif, le palais d’un Roi doit être à la hauteur de son prestige. Louis XIV a bien résidé dans les 67 000 m2 de Versailles avec ses 700 chambres, un symbole de l’apogée de la royauté française. Il est effectivement impensable d’envisager qu’un Roi s’installe dans un 150m2 au 3ème étage d’une tour dans un quartier mal famé.
Et pourtant, dans la section de la Torah lue cette semaine, le plus grand des rois, celui que la tradition aime à appeler « Le Roi des rois », demande de faire construire pour Lui un palais afin qu’Il puisse résider parmi le Peuple d’Israël. Entre autres caractéristiques, il fallait qu’il soit facile à transporter dans le désert, puisque l’odyssée vers la Terre Promise allait être riche en rebondissements.
Mais quelle n’est pas notre surprise lorsque nous constatons que ce palais royal n’est en rien à l’image de la grandeur du Roi… Comment cet édifice peut-il refléter le prestige du Souverain Suprême alors que le lieu le plus important de Son palais, « le Saint des Saints », ne mesure que la modeste superficie d’environ 25m2 ?
L’Arche Sainte que nous imaginons être une œuvre d’art unique en son genre, par sa taille, sa beauté et son raffinement extrême, n’est en réalité qu’une pièce bien modeste : 125 centimètres de longueur, pour une largeur de 75 centimètres. Les dimensions évoquées prêtent à sourire, frisent presque le ridicule !

Mais à bien y réfléchir, ce passage de la Torah traitant de la construction du Tabernacle révèle une bouleversante leçon d’humanité.
Ces dernières semaines, nous avons pu vivre les épisodes du don de la Torah, puis l’enseignement d’une partie essentielle de ses lois. Tant de principes de vie, tant de préceptes et d’implications quotidiennes…. Pourtant, qui n’a jamais douté de la valeur de ses actes ? Cela change-t-il quelque chose pour D-ieu si je travaille Chabbath ou si je ne mange pas uniquement tel aliment autorisé ou cuisiné de la sorte ? D-ieu est trop grand pour s’intéresser à une si petite question, venant de la part d’un individu aussi insignifiant que moi !
Lui qui est à l’origine de la création du monde, omnipotent, frappant l’Egypte, ouvrant la mer ; il serait dérisoire d’imaginer qu’Il attache une importance quelconque à la taille de mon boîtier de Tefillin qui le rende cacher ou pas. Comment imaginer que ce D-ieu puisse s’embarrasser de tels détails ?

C’est alors que ces interrogations doivent se dissiper : D-ieu demanda au peuple d’édifier pour Lui une résidence principale sur cette terre. Nous aurions pu la construire grandiose et majestueuse. Mais Ses instructions n’allaient pas dans le sens de l’opulence et l’étalage, bien au contraire, tout y était juste et à dimension humaine, comme pour nous signifier que notre D-ieu recherche le perfectionnement de la condition humaine, qui s’exprime justement et essentiellement à travers les détails et la délicatesse des éléments souvent considérés à tort comme secondaires.
Parce que le perfectionnement n’existe que dans le détail, le Tabernacle est à l’image de l’attente de D-ieu envers l’homme.

Vous savez que les Suisses estiment que « le diable se cache dans les détails », les enfants d’Israël, eux,  ont appris dans le désert qu’en réalité « D.ieu se cache dans les détails » !

lundi 31 janvier 2011

Les enjeux du jeu


A propos du verset de notre Paracha (Exode 23.1) « Ne sois pas complice d’un méchant, en servant de témoin à l’iniquité » le Rambam énonce, dans les lois concernant les témoignages (Hala’hot Edout chapitre 10), que les joueurs (aux dés, cartes etc.) sont déchus du droit de témoigner.
La raison invoquée (reprenant les arguments du Talmud dans le Traité Sanhedrine 33b) est que le joueur néglige le « Yichouv Haolam », la maintenance du monde.
Quel est ce devoir de permettre au monde de se maintenir ?
Le Tour, grand décisionnaire de la fin du 13ème siècle, écrit (‘Hochen Michpat 33) qu’en raison des gains rapides que peut amasser un joueur, celui-ci perd la notion de la fatigue normalement nécessaire pour gagner sa subsistance et donc la valeur de l’argent. Par conséquent, sa parole manque de crédibilité.
Comme si l’argent facile était en soi un élément de soupçon.

Par ailleurs, le principe Talmudique du devoir d’entretenir notre monde est une règle impliquant chacun à avoir une activité économique. Une société dont la seule ressource serait le jeu et l’échange de monnaie sans création de valeur, ne peut prétendre à une stabilité sociale, ni à une distribution équitable des richesses.

Puis il est un autre domaine que le jeu détruit systématiquement : la vie personnelle. Car entretenir sa famille, partager du temps avec elle, dialoguer et construire un projet avec les membres de son entourage, sont autant d’activités dans lesquelles il faut s’impliquer quotidiennement pour espérer s’épanouir. Or le jeu confine bien souvent le joueur dans l’isolement, l’obsédant et le désintéressant des choses simples de la vie ; il finit par vivre dans une bulle qui l’empêche d’entretenir une vie saine.

Ce fléau touche, malheureusement, notre communauté de façon violente. Les joueurs ne sont plus assis autour d’une table pour partager un moment agréable entre amis ou pour se divertir, c’est désormais une obsession. Il se trouve que des familles se détruisent lentement, rencontrant inévitablement des pertes financières sévères.

Notre Paracha vient à point nommé pour nous faire prendre conscience du drame que constitue cette dérive. La banalisation de ce phénomène ne doit pas être acceptée, il nous faut être ferme et pédagogue envers nos jeunes afin de les préserver du jeu et leur transmettre la vertu de l’effort et de l’entretien de notre monde par le travail.

mardi 18 janvier 2011

Nouvel An des arbres, et alors ?


La coutume veut que l’on célèbre dans le calendrier le Nouvel An des arbres, Tou Bichevat. Mais pour quoi faire ? Dans quelle mesure l’homme est-il tellement relié à l’arbre, au point de devoir marquer son anniversaire ?
D’ailleurs, il y a d’autres débuts d’année dans le calendrier que nous ne célébrons pas – nouvel an des rois, des serments... Pourquoi donc fêter celui des arbres ?

Nous pouvons élucider cette question assez facilement en rapportant le célèbre verset du Deutéronome « car l’homme est un arbre des champs » (20 ;19). L’association des deux éléments relève de prime abord d’une figure de style arbitraire, d’où découlent en fait bien des similitudes entre l’arbre et l’homme. D’autres avancent que Tou Bichevat est une fête écologique par excellence, au cours de laquelle nous honorons la nature et louons tous les bienfaits dont D-ieu nous gratifie à travers elle. Or, s’il est vrai que le respect de la nature est fondamental dans la tradition juive, néanmoins ce raccourci semble plutôt rapide pour l’accepter sans creuser davantage…

En fait, ce qui nous rapproche de l’arbre, ce ne sont pas tant nos ressemblances, mais bien ce qui nous différencie de ce dernier.

L’homme par définition est une créature en perpétuel mouvement, un être qui se déplace. D’ailleurs, la mobilité est un élément déterminant dans son développement. À quel âge ce bébé a-t-il sorti sa première dent ? Quand cet enfant a-t-il appris à faire du vélo ?, et ainsi de suite à toutes le étapes de la vie d’un homme. Un enfant précoce est le rêve inavoué de tout parent, et plus ou moins inconsciemment, chacun de s’interroger si sa progéniture comptera un petit génie, comme si Einstein pouvait se réincarner dans toutes les maternités !

Dans notre société de consommation à la poursuite d’exigences toujours plus élevées, l’homme n’a pas le temps d’étudier ni de poursuivre pleinement son apprentissage,  que l’on exige déjà de lui d’être productif – autrement dit de porter des fruits ! Il ne peut plus réfléchir, il doit décider. Le stress est ainsi devenu un élément de stimulation dans notre course effrénée contre la montre. Fini de patienter tranquillement à la queue du supermarché, sans consulter son iPhone compulsivement pour vérifier si un mail urgentissime n’est pas arrivé !
Mon professeur de secourisme me disait un jour : « Il n’y a pas d’urgence, il n’y a que des gens pressés ».

Cette maladie de l’instantané est-elle incurable ?

Voyez plutôt : Tou Bichevat fait son apparition dans notre calendrier, répondant à une problématique résolument moderne ! Voici le temps venu de considérer l’arbre, d’arrêter notre regard sur son cycle de croissance. L’arbre est immuable, d’année en année sa place reste la même, il grandit graduellement et la vitesse est un mot qui ne le concerne nullement. Il produit ses fruits à un moment donné, puis il rencontre une phase de ressourcement et de repos. A travers l’arbre et la végétation, nous est donnée l’occasion d’observer le respect du cycle, des périodes et des saisons.

A l’instar de l’arbre, l’homme est-il capable de se réserver des périodes d’accalmie ? Il ne s’agit pas d’être dans un état d’inertie, mais d’apaisement. Ce n’est pas non plus un moment d’assoupissement, mais de quiétude. Il n’est pas question de laisser filer le temps, mais de faire l’apprentissage de la patience et d’appréhender le temps de façon plus mature. Or ce temps, nous l’avons chaque semaine, puisqu’il s’agit du septième jour de la semaine - le Chabbat. Chabbat ou un havre de paix dans le quotidien.

En ce sens, Tou Bichevat est également une fête écologique, car quand l’homme est capable de respecter son propre cycle, de consacrer du temps pour sa famille, pour penser, pour aider, pour dialoguer, nous avons alors les plus grandes garanties qu’il sera également respectueux de son environnement naturel.


dimanche 9 janvier 2011

La psychologie d’une délivrance


Tandis que les enfants d’Israël étaient en pleine souffrance esclave chez un pharaon sans pitié, D.ieu promit par l’intermédiaire de Moïse de sauver le peuple et leur enjoignit de garder espoir.

Ce qui est alors surprenant c’est le vocabulaire utilisé par D.ieu pour évoquer cette délivrance. En effet, quatre termes – sous forme de promesse - sont utilisés pour illustrer l’exode : Je vous ferai sortir ; Je vous sauverai ; Je vous délivrerai et Je vous prendrai.

Pourquoi ces digressions de langage ? Est-il vraiment nécessaire d’utiliser ces synonymes pour nous convaincre que la délivrance interviendra ?

Au fond, il s’agit ici de prendre en considération les différents types de situation des exilés et de s’adresser à eux en conséquence. Parce qu’il n’y a pas pire que de parler à une personne sans prendre en compte son état mental et psychologique.

L’exode, ce n’est pas seulement une promesse du passé, c’est aussi un devoir du quotidien : être capable de sortir de notre propre limite mentale et psychologique inhérente à notre personnalité. Mais ce devoir ne peut s’accomplir que par la conscience d’une nécessité absolue de se libérer. Or, cette conscience n’est pas égale chez tout le monde, aussi D.ieu choisit de s’adresser à chacun en fonction de son état de conscience.

Il y a ceux qui n’ont que besoin de « sortir », ils sont prêts, ils vivent avec cette volonté et cette envie d’être libérés. Attendant uniquement le signal pour sortir, les voilà déjà de l’autre côté de la frontière –tels des enfants dans une salle de classe qui regardent avec impatience la sonnerie de la cloche qui leur permettra de bondir dans la cours de récréation.

D’autres ont besoin d’être sauvés, comme l’homme se trouvant dans une situation dangereuse et qui a conscience du danger mais qui se voit dans l’impossibilité d’agir. Imaginez un homme pris au piège d’une maison en flamme, sans issues. Il crie au secours, essaye de trouver une voie de sortie, sans succès. Lui a besoin d’être « sauvé ».

Prenez à présent l’image d’une personne en prison : celle-ci sait où elle se trouve, a conscience de sa privation de liberté mais en même temps, muée par une certaine forme de résignation, elle ne se bat pas pour sortir et attend tranquillement sans protester la fin de sa peine pour retrouver enfin le soleil. Elle vit donc avec une double conscience, d’une part celle d’être prisonnière, et d’autre part celle du renoncement à se battre. Cette personne-là sera « libérée ».

Puis il y a celui qui se classe dans une quatrième catégorie d’individus : il n’a même pas conscience d’être en prison, sa vie ne se conçoit que dans ces conditions, somme toute, très satisfaisantes. Vous lui diriez : Libéré ? Mais de quoi ? Sauvé ? Pourquoi ? Sortir ? Vers quoi ?
A lui, D.ieu promet qu’il ne restera pas seul, il ne sera pas oublié de la délivrance, D.ieu le « prendra » et fera de lui son peuple, son fils chéri qui aura reconnu son père.
Ainsi, à propos de la délivrance, D.ieu s’adresse à chacun selon sa nature, son niveau et sa psychologie car nous avons la promesse que personne ne sera laissé pour compte.

La Fondation Brigitte Bardot est malhonnête !


En ce moment s’affiche sur des panneaux publicitaires une campagne qui n’a pas uniquement pour objectif de défendre la protection des animaux mais également d’attaquer l’abattage rituel.

Après les derniers échecs de la fondation pour légiférer sur la question par une réglementation française et européenne, celle-ci décide de s’en remettre à l’opinion publique et à la conscience des consommateurs.

Le message donne les frissons… Il montre un bovin en pleine forme, avec pour slogan radical : « Cet animal va être égorgé à vif sans étourdissement et dans des grandes souffrances. C’est ça, l’abattage rituel ! ». Puis il pose la question : « Vous pensez ne pas manger halal ou cacher ? Pourtant, on vous l’impose ! – avec un chiffre à l’appui – en Ile de France, pratiquement 100% des bêtes destinées à la consommation générale sont égorgées sans étourdissement ! »

Le français lambda risque de se scandaliser très vite avec un tel message. On peut même imaginer que son sang ne fera qu’un tour !

Sauf que cette campagne est injuste, fausse et hypocrite. Démonstration en dix points :

1.     Le message diffusé laisse à penser que l’étourdissement est un système infaillible qui élimine à 100% la souffrance des animaux avant leur mise à mort. Or, les chiffres sont éloquents, puisque près de 7% (un chiffre minimal) des étourdissements sont un échec, ce qui provoque une souffrance certaine et atroce. Tandis que d’un autre côté, l’abattage rituel selon le rite juif ne représente que 0,037% des abattages en Europe. Autant dire, une broutille devant les souffrances infligées par les étourdissements « ratés » !
2.     Mettre sur le même pied d’égalité l’abattage rituel pratiqué par le rite cacher avec celui du halal est une injustice délibérée. En effet, la préparation et le professionnalisme de l’abattage selon le rite juif sont infiniment plus minutieux et contraignants que toutes autres méthodes d’abattage – et tous les avis sont unanimes.
3.     Le souci de la souffrance de l’animal n’est pas une notion inventée par Madame Bardot, il est au cœur du judaïsme et du mode de consommation cachère. Car pendant que cette dame milite pour faire interdire un rite appartenant à la première civilisation qui se préoccupe de la souffrance animale, elle omet de faire une campagne contre la consommation de certains fruits de mer qui se mangent ou se cuisent vivants ! Y aurait-il, Madame, des grandes et des moins grandes souffrances ? Pourquoi la souffrance du homard est-elle plus acceptable que celle d’une vache ?
4.     Le Judaïsme interdit formellement la chasse et pourtant il n’y a pas de campagne pour stigmatiser les chasseurs comme des gens cruels ? Mais peut-être que la jouissance du chasseur de voir son gibier agonisant est plus sacré qu’un rite millénaire !
5.     L’évaluation de la douleur est – à ce jour - scientifiquement impossible à établir. Faire le lien entre la conscience et la douleur est un raccourci qu’aucun scientifique sérieux ne se permettra d’emprunter. Quant à savoir si la souffrance due à l’étourdissement est préférable à celle d’un abattage rituel dans les règles de l’art du Judaïsme, ceci est un débat scientifique qui n’est toujours pas tranché.
6.     Les destinataires de cette campagne, dont nous attendons le rebond de conscience, font-ils le même examen envers leur marchand de sac de luxe pour savoir si le cuir utilisé provient d’une mise à mort avec étourdissement ? Non, sans aucun doute… Alors pourquoi s’en prendre à une communauté soucieuse du respect des animaux ? Au fait, Madame Bardot, comment ça se passe pour les cuirs Lancel dont vous vantez l’image ?
7.     Quand la fondation annonce que « pratiquement 100% des bêtes destinées à la consommation générale sont égorgées sans étourdissement ! », nous sommes en droit de demander plus de précision… Que veut dire « pratiquement 100% » ? Ce chiffre approximatif est-il plus proche de 90%, ou de 30 voir 20% ? Car dire que 70% de l’abattage rituel juif se retrouve dans le circuit classique ne représente toutefois pas plus de 0,005% de la consommation en France! On cherche donc à faire dans le sensationnel.
8.     S’agissant de la volonté d’exiger un étiquetage signalant l’étourdissement ou non, ceci est une revendication malhonnête, car pour aller complètement au bout de cette idée, il faudrait faire un étiquetage complet avec le mode d’abattage, la méthode d’étourdissement, le succès ou non de l’étourdissement... Ce ne sont déjà plus les mêmes informations, et devinez de quel genre de viande le consommateur averti se détournerait ?! Et il faudrait le faire également pour l’achat d’un blouson ou d’un sac en cuir…
9.     Regardant la vidéo sur l’abattage rituel publié sur le site de la fondation Bardot, j’ai pu constater qu’à aucun moment il ne s’agissait d’un abattage selon les lois du judaïsme. En effet, le fait de se reprendre pour s’assurer que la bête est bien abattue est interdit selon la loi juive, de même que la façon présentée de tenir le couteau de sorte à produire une tension sur l’animal, qui est également proscrite. Quant à l’aspect « spectaculaire » de l’abattage rituel, certes c’est moins confortable à regarder que l’abattage d’un animal figé et inanimé par une décharge, mais cela n’est pas pour autant le signe d’une plus grand humanité que d’imposer une méthode d’abattage qui ne préserve pas mieux l’animal d’une souffrance ? Serions-nous plus favorable à la protection de notre propre conscience ou de notre sensibilité, au détriment de la souffrance de l’animal ?
10. De façon plus générale, tenant compte du fait qu’il est impossible de prouver scientifiquement qu’un abattage rituel fait encourir plus de souffrance sans étourdissement, on peut se demander si cette revendication n’est pas tout simplement le signe d’une cruauté envers ces animaux ! Cet abattage plus spectaculaire, donc plus « insupportable » pour la vision du néophyte n’est pas la preuve d’une méthode plus cruelle que celle où la bête reste figée comme du plastique avant de se faire tuer. N’est-ce pas là un manque de respect pour l’animal, qui a le droit de mourir en se vidant de ses tensions par l’effusion de son sang !

Les arguments de la défense de l’abattage rituel sont encore nombreux et il appartient à des experts d’en démordre, pourtant la véritable question que je me pose est de comprendre pourquoi un tel acharnement ? Serait-ce le rapprochement de Madame Bardot avec des courants d’extrême droite qui la pousse à stigmatiser ce qui ne fait pas partie de ses propres habitudes de consommation ? Je ne suis pas convaincu que la défense d’une cause aussi noble que celle de la souffrance des animaux passe par la provocation et la stigmatisation, et grand bien lui ferait de chercher à comprendre les hommes, les civilisations et leurs pratiques.

dimanche 2 janvier 2011

Tendre la main


L’histoire est bien connue.... Moïse a trois mois, il ne peut rester chez ses parents en Egypte à cause des décrets et persécutions du Pharaon, sa mère lui confectionne un berceau flottant qu’elle jette dans le Nil en espérant, et en priant pour son sort.

La fille du Pharaon, Bitya, décide de se baigner par une belle journée ensoleillée, elle aperçoit alors au loin dans le Nil ce petit berceau. Cela ne fait aucun doute pour elle, un bébé doit y être enfermé. Mais que peut-elle bien faire ? Elle est beaucoup trop loin pour l’attraper !

Un commentateur raconte que Bitya fit un geste, a priori insensé, puisqu’elle tendit la main pour saisir le berceau. A la surprise générale, le miracle se produisit et son bras s’allongea pour atteindre le berceau avec le petit Moïse, dont elle prit le plus grand soin par la suite.

Ce récit, bien qu’extraordinaire, nécessite pourtant un petit éclaircissement : Comment pouvait-elle prévoir qu’un miracle allait rallonger son bras pour qu’elle attrape le berceau ? Pourquoi Bitya a-t-elle tendu le bras ?

Cette question nous invite à une réflexion plus générale. Dans quelle mesure un individu doit-il s’investir pour tenter d’aider son prochain ? Cette implication est-elle souscrite à un contrat de réussite ? Et si j’ai la certitude que mon action n’est pas en mesure de répondre au besoin de l’autre, suis-je pour autant acquitté de ma contribution ?

Bien souvent, on renonce à aider ou à faire part de notre compassion parce que nous considérons notre action inefficace. L’argument est souvent légitime. Une parole douce ou une marque de sollicitude envers une personne en souffrance à cause d’une perte, d’un malheur ou en proie à une détresse profonde, ne pourront jamais combler ces manques. Notre contribution paraît insignifiante face au désarroi de l’autre.
Dans ces conditions, la tentation de l’inertie est réelle : que puis-je faire ?

Certes, le bébé peut se noyer car il est seul sur le Nil et la moindre vague peut l’emporter au plus profond du fleuve, mais mon bras est trop court, je suis trop loin, impuissant !

Bitya, elle, décida qu’il n’en était pas ainsi! Impossible de rester passive devant ce spectacle, elle préfère agir, même si le pourcentage de réussite est proche de zéro, elle ne peut se résoudre pour autant à ne rien faire. Elle tend son bras, « fait le premier pas », et c’est seulement à ce moment-là que le miracle se met en route. Il n’y a pas de miracle sans la tentative de l’homme, il n’y a pas de miracle tant qu’on ne décide pas d’agir.

Tendez votre main, elle s’allongera !