mardi 18 janvier 2011

Nouvel An des arbres, et alors ?


La coutume veut que l’on célèbre dans le calendrier le Nouvel An des arbres, Tou Bichevat. Mais pour quoi faire ? Dans quelle mesure l’homme est-il tellement relié à l’arbre, au point de devoir marquer son anniversaire ?
D’ailleurs, il y a d’autres débuts d’année dans le calendrier que nous ne célébrons pas – nouvel an des rois, des serments... Pourquoi donc fêter celui des arbres ?

Nous pouvons élucider cette question assez facilement en rapportant le célèbre verset du Deutéronome « car l’homme est un arbre des champs » (20 ;19). L’association des deux éléments relève de prime abord d’une figure de style arbitraire, d’où découlent en fait bien des similitudes entre l’arbre et l’homme. D’autres avancent que Tou Bichevat est une fête écologique par excellence, au cours de laquelle nous honorons la nature et louons tous les bienfaits dont D-ieu nous gratifie à travers elle. Or, s’il est vrai que le respect de la nature est fondamental dans la tradition juive, néanmoins ce raccourci semble plutôt rapide pour l’accepter sans creuser davantage…

En fait, ce qui nous rapproche de l’arbre, ce ne sont pas tant nos ressemblances, mais bien ce qui nous différencie de ce dernier.

L’homme par définition est une créature en perpétuel mouvement, un être qui se déplace. D’ailleurs, la mobilité est un élément déterminant dans son développement. À quel âge ce bébé a-t-il sorti sa première dent ? Quand cet enfant a-t-il appris à faire du vélo ?, et ainsi de suite à toutes le étapes de la vie d’un homme. Un enfant précoce est le rêve inavoué de tout parent, et plus ou moins inconsciemment, chacun de s’interroger si sa progéniture comptera un petit génie, comme si Einstein pouvait se réincarner dans toutes les maternités !

Dans notre société de consommation à la poursuite d’exigences toujours plus élevées, l’homme n’a pas le temps d’étudier ni de poursuivre pleinement son apprentissage,  que l’on exige déjà de lui d’être productif – autrement dit de porter des fruits ! Il ne peut plus réfléchir, il doit décider. Le stress est ainsi devenu un élément de stimulation dans notre course effrénée contre la montre. Fini de patienter tranquillement à la queue du supermarché, sans consulter son iPhone compulsivement pour vérifier si un mail urgentissime n’est pas arrivé !
Mon professeur de secourisme me disait un jour : « Il n’y a pas d’urgence, il n’y a que des gens pressés ».

Cette maladie de l’instantané est-elle incurable ?

Voyez plutôt : Tou Bichevat fait son apparition dans notre calendrier, répondant à une problématique résolument moderne ! Voici le temps venu de considérer l’arbre, d’arrêter notre regard sur son cycle de croissance. L’arbre est immuable, d’année en année sa place reste la même, il grandit graduellement et la vitesse est un mot qui ne le concerne nullement. Il produit ses fruits à un moment donné, puis il rencontre une phase de ressourcement et de repos. A travers l’arbre et la végétation, nous est donnée l’occasion d’observer le respect du cycle, des périodes et des saisons.

A l’instar de l’arbre, l’homme est-il capable de se réserver des périodes d’accalmie ? Il ne s’agit pas d’être dans un état d’inertie, mais d’apaisement. Ce n’est pas non plus un moment d’assoupissement, mais de quiétude. Il n’est pas question de laisser filer le temps, mais de faire l’apprentissage de la patience et d’appréhender le temps de façon plus mature. Or ce temps, nous l’avons chaque semaine, puisqu’il s’agit du septième jour de la semaine - le Chabbat. Chabbat ou un havre de paix dans le quotidien.

En ce sens, Tou Bichevat est également une fête écologique, car quand l’homme est capable de respecter son propre cycle, de consacrer du temps pour sa famille, pour penser, pour aider, pour dialoguer, nous avons alors les plus grandes garanties qu’il sera également respectueux de son environnement naturel.