Comment devons-nous appréhender la diversité culturelle dans laquelle nous vivons ? Se fondre dans le moule et l’uniformité, quitte à perdre notre propre identité ? Ou alors faut-il assumer notre singularité positivement avec le risque d’être accusé (à tort, bien souvent) de vivre en marge de la société ?
Il est vrai qu’aucune de ces deux alternatives ne donne entière satisfaction, car abandonner sa culture est aussi traumatique que de vivre comme des exclus. Il nous faut donc imaginer une troisième voie.
C’est précisément l’exercice que nous propose la lecture de la Thora de cette semaine.
Elle raconte la façon dont le peuple juif a séjourné dans le désert et comment il y a organisé ses campements.
Le contexte historique est intéressant : le peuple juif a été libéré du joug égyptien depuis un an, il se forge déjà un destin et un avenir communautaires. A ce moment-là, il semble donc souhaitable que les enfants d’Israël décident de la façon dont ils veulent s’organiser en terme d’urbanisme et qu’ils favorisent le métissage entre les douze tribus. Ce mélange entre les intellectuels, les scientifiques, les commerçants, les techniciens, les artistes etc. est à priori nécessaire pour lier le peuple. Le multiculturalisme n’est-il pas source d’enrichissement pour la société ?
Or, à notre plus grande surprise, la Thora demande de faire camper chaque tribu de façon distincte avec un drapeau pour la discerner. Je me permets de mentionner que ce fut d’ailleurs l ‘apparition des premiers drapeaux dans l’histoire de l’humanité, qui ne manquèrent pas d’inspirer toutes les civilisations par la suite. Ces drapeaux étendus à l’entrée du campement symbolisaient la particularité de la tribu, ils différenciaient les uns des autres, somme toute comme une forme de communautarisme… Un écueil à éviter pensez-vous ?
La réponse tient au fait que si chaque camp était séparé et identifiable, néanmoins tous étaient tournés vers le centre où se trouvait le Tabernacle, lieu de recueillement commun. Ainsi, chacun pouvait expérimenter et vivre sa diversité dans la plénitude tout en partageant des valeurs collectives au cœur d’une certaine moralité et spiritualité.
Ainsi, il nous est possible de revendiquer une identité différente avec fierté et dignité, de lever notre étendard au-dessus de nos maisons, à la condition d’être tournés dans la même direction et de nous réunir, de défendre les valeurs communes qui nous sont chères. Ces valeurs qui soudent les hommes autour d’un projet de société garantissent la dignité à chacun et le respect de ses convictions.
N’est-ce pas cela le sens de l’adage - aussi fameux que difficile à mettre en pratique - d’Antoine de Saint-Exupéry : « Aimer, ce n’est pas se regarder l’un l’autre, c’est regarder ensemble dans la même direction » ?
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