Le jour le plus triste du calendrier juif, le 9ème jour du mois de Av fut marqué par trois événements dramatiques de notre histoire.
Le premier épisode sombre eut lieu en -1312. Le Peuple Juif était sorti d’Égypte, il croyait en D.ieu avec ferveur et pureté. Devant la Terre de Canaan, des explorateurs furent envoyés pour sonder le pays. A leur retour, ces hommes décrivirent la terre sous de bons et de mauvais angles… Comment réagir ? Fallait-il se réjouir de telles nouvelles ? Le Peuple Juif resta perplexe et devant tant d’hésitation, les « amis d’Israël » ne manquèrent pas de saisir l’occasion pour imposer leurs opinions et l’inciter à se rebeller. La méthode de séduction fut imparable: « Souvenez-vous des merveilles passées que vous avez laissées derrière vous en Égypte et cessez de rêver ! La conquête de la Terre Promise ne pourra jamais se faire, car l’ennemi est trop fort. » C’est ainsi que ce Peuple Juif, toujours à l’écoute des bons conseils de ses amis, se laissa aller plutôt que de suivre sa propre conviction, et en cette date du 9 Av, se mit à pleurer et refusa de conquérir la terre. Il le paya très cher, puisque s’en suivirent 39 années d’errance dans le désert et la mort d’une génération entière (585 000 personnes) !
Ce jour fut et restera marqué à jamais comme celui de tous les malheurs pour notre peuple. Les destructions des deux Temples de Jérusalem en -423 et en 70 sont les deux autres drames majeurs survenus le 9 Av (des catastrophes mondiales survinrent par la suite ce jour-là au cours de l’histoire).
Au fait, qui sont ces « amis » qui nous menèrent vers cette fin si funeste ?
La sortie d’Égypte avec son cortège de miracles grandioses fut une démonstration éclatante de la puissance de D.ieu, dont les prodiges et les merveilles impressionnèrent plus d’un peuple sur terre. C’est alors que de nombreuses personnes, des Égyptiens de souche, envoutés par la suprématie du D.ieu d’Israël, choisirent d’embrasser la culture juive. Pourtant, leur sincérité fut maintes fois éprouvée et s’avéra vraiment déficiente…
Quel fut l’impact de ces individus sur le Peuple Juif ?
Le tempérament humain est tel que nous autres, êtres humains, accordons beaucoup d’estime à ceux qui adhèrent à la même croyance que la nôtre. Imaginez un instant ce peuple qui sortit d’Egypte, rejeté de tous et encerclé d’ennemis… Il porta forcément une grande admiration à ceux qui choisirent de devenir ses amis, envers et contre l’opinion générale. Cette admiration se mua bien vite en fascination et en estime, car au fond, quelle bravoure avaient ces amis en rejoignant le rang des Hébreux malgré la fronde puissante des opposants !
Le charme de ces amis commença à hypnotiser les enfants d’Israël, créant en eux une certaine fragilité. Ainsi, le jour où ils suggérèrent d’agir d’une certaine manière, même si cela était contraire aux intérêts du peuple, tous s’efforcèrent de se conformer à leurs recommandations. Or, dans la mesure où ces amis n’avaient pas la même histoire et qu’ils ne partageaient pas les mêmes préoccupations, malgré leur empathie, ils ne pouvaient que les faire glisser vers une pente néfaste. Désapprouver ses amis ou les critiquer aurait été perçu comme un affront après tant de preuves d’amitié à leur égard.
Dans le désert, les Juifs ont subi ces amis égyptiens, comme si ces nouveaux convertis étaient suffisamment inspirés pour leur donner des leçons en matière de terre sacrée. Les grandes crises qui se succédèrent furent tout autant causées par ces « amis » et, plus tard dans l’histoire, cette fascination pour des pseudo amis fut également ce qui causa la perte du Peuple Juif.
Nous trouvons une autre illustration flagrante de cette situation à l’époque de la destruction du deuxième Temple de Jérusalem en l’an 70.
La domination de l’Empire Romain sur la Judée a profondément marqué l’état spirituel du Peuple Juif. La fascination des Romains pour la culture juive, sa discipline, la sagesse de ses maîtres, sa philosophie et sa science fut à l’origine d’une grande jalousie envers les Juifs. Certains traduisirent cette envie en décidant de comprendre et d’étudier la Torah, allant même jusqu’à se convertir pour quelques-uns d’entre eux. Et la jeunesse juive crut voir dans cet intérêt l’opportunité d’un rapprochement avec les cultures étrangères au judaïsme.
Les Juifs commencèrent ainsi par fréquenter les lieux huppés de la bourgeoisie romaine, à s’assimiler à leur mode de vie et à se fondre dans la société qui les entourait. Le destin politique n’étant pas bien loin, ils accédèrent à des postes à responsabilité, au droit de gestion sur la Judée, et même sur le lieu le plus sacré du Judaïsme – le Temple – qui fut sous le contrôle de ces jeunes Juifs qui n’avaient pour seule ambition que de plaire aux yeux de l’Empereur.
Le nouvel ami romain était généreux, compréhensif et intelligent, il était naturel de lui vouer une confiance totale, car après tout, il ne cherchait que le bien des Juifs!
Ces jeunes fascinés par le pouvoir et la puissance ont permis la division du peuple et ont rendu impossible toute négociation avec l’Empire pour protéger le Temple de la destruction.
C’est alors que les enfants d’Israël héritèrent de ses amis un cadeau : la beauté du combat, l’art de la guerre, le courage pour la bataille… Néanmoins, certains avaient perdu la véritable expression de l’âme, celle qui n’a pour seule vocation que de puiser sa force dans la lignée de nos ancêtres et dans la foi profonde.
Et aujourd’hui ?
Devons-nous avoir honte de ce que nous sommes ? Renier nos valeurs ? Nos convictions ? Au nom de quoi devrions-nous refuser de défendre ce qui nous est cher uniquement pour contenter nos amis ?
Combien allons-nous accepter d’entendre avec servitude certains amis d’Israël nous donner des leçons (conseils) comme si nous étions des inconscients ou des enfants ? Où étaient-ils à l’heure de notre souffrance ? Ces amis admirent dans un sourire affable notre courage et notre force de caractère lorsque nous nous reconstruisons après tant de douleurs et de destructions, mais ce sourire séduisant n’a pour seul but que d’exercer un pouvoir sur nous le moment venu.
Retenez cette date, le 9 Av, comme celle où l’ami a exercé son pouvoir de séduction sur nous, parce qu’il nous voulait du bien.
Comme disait un ami : « Entre amis, on doit pouvoir tout se dire. » C’est fait !
Inspiré d’une lettre du Rabbi Yossef Yits’hak Schneersohn de Loubavitch
9 Av 1919